Lise Gaillard, d’origine québécoise, est étudiante en administration à l’Université de Lawrence, au Kansas. Lorsqu’elle est subitement tombée malade dans la nuit du 14 au 15 octobre, l’hôpital de cette ville l’a prise en change et, après quelques examens médicaux, les médecins ont préféré la placer en isolement sanitaire, la craignant porteuse du virus Ebola. Elle raconte son expérience.

« Je me suis réveillée dans ma chambre étudiante en pleine nuit, il devait être 3 heures du matin. Je me sentais vide d’énergie, incroyablement fiévreuse, je n’avais plus aucune force, même pas celle d’appeler ma colocataire. J’ai vomi et eu la diarrhée sans arrêt jusqu’à 7 heures du matin. Dès que je buvais un verre d’eau, je le vomissais. J’étais en sévère déshydratation et je me suis évanouie. Quand je me suis réveillée, j’étais dans une cellule, seule, attachée à mon lit, avec trois perfusions dans le bras. J’étais tellement en déshydratation que je n’avais aucune pression sanguine, je n’arrivais plus à marcher. J’aurais voulu crier « donner moi de l’eau » mais je n’en avais même pas l’énergie. Je me faisais dessus constamment et personne n’arrivait, j’étais en état de stress comme jamais je ne l’ai été dans ma vie. J’ai appris plus tard que ma colocataire m’avait trouvé à terre, le visage dans mon vomi, et qu’elle avait aussitôt appelé une ambulance. »

Une intervention « presque robotique »

La jeune fille de 23 ans peine à se remémorer chaque détail de cette intervention qui l’a bouleversée, mais elle insiste sur le caractère « presque robotique » de la façon dont elle a été traitée. « Je n’avais aucune notion du temps. Je sais que des médecins sont arrivés pour m’ausculter, ils avaient des combinaisons et des masques. Ils m’ont examiné et m’ont manipulé sans rien m’expliquer. Je ne cessais de demander de l’eau, ils me répondaient que je pourrai manger et boire après. »

Quand finalement, l’hôpital a laissé Lise Gaillard rentrer chez elle, il était « aux alentours de 19 heures ». « Ils m’ont expliqué qu’ils prenaient toutes les précautions pour que le virus ne se contracte pas. Je n’en revenais pas qu’ils aient pu penser que j’ai Ebola. Je leur ai répondu que je n’avais plus mis les pieds sur le sol africain depuis dix ans (Lise a vécu à Dakar durant 3 ans avec sa famille). Ils m’ont répondu machinalement la même chose que ce qu’ils m’avaient déjà dit. Il s’agirait d’une simple infection alimentaire ajoutée à une forte crise d’angoisse… »

Un médecin de l’Hôtel Dieu de Québec qui a souhaité garder l’anonymat, estime que la « paranoïa américaine se fait moins ressentir ici au Canada, qu’aux Etats-Unis ». Selon lui, pour faire agir le gouvernement face à l’épidémie et augmenter les aides, il faudrait « filmer longuement l’agonie de citoyens canadiens atteints du virus. Gardons bien en tête que nous sommes dans une société de l’individualisme, l’Afrique entière peut s’éteindre, personne ici ne prendra le risque de s’y rendre s’il n’a pas un intérêt à le faire. »

Il n’en résulte pas moins que dans un article sur son blog intitulé « Pourquoi je pars couvrir l’Ebola », la correspondante de Radio Canada Sophie Langlois, écrit : «  le virus Ebola ne peut pas se propager en Amérique ni en Europe comme il l’a fait en Afrique.  Ceux qui deviennent malades ici seront, selon toutes probabilités, rapidement pris en charge, isolés et soignés. »

Lise Gaillard en restera témoin.