Le 19 novembre 2019, l’Église catholique s’est exprimée sur les violences liées aux évènements politiques depuis octobre 2019. Elle a également fait appel à une unification afin de réinstaurer un climat de paix. Selon les spécialistes, Dan Marques et François Gélineau, la religion marque un conflit entre les élites et les peuples autochtones.

 

Dans un sondage du 29 septembre 2019, le journal Pagina Siete indique que la population bolivienne était composée de 74,9 % de catholiques et 17,9 % seraient des chrétiens évangéliques. Comme dans beaucoup de pays d’Amérique latine, la religion prend une place importante. Dan Furukawa Marques, professeur adjoint au département de sociologie de l’Université Laval, indique la forte présence du christianisme en Amérique du Sud. « On dit que l’Amérique latine est la plus grande population catholique au monde. Il y a la montée au Brésil des évangéliques et des pentecôtistes qui ont donné naissance à l’église universelle du royaume de Dieu, le lobby de l’extrême droite. Un des foyers religieux de l’extrême droite, c’est l’Église évangélique ».

 

Dan Furukawa Marques estime que « La Bible symbolisait plutôt le retour d’une élite traditionnelle blanche plutôt qu’une valorisation de la religion. » (Crédit photo : Mélanie Merlin)

 

Cependant, l’article 4 de la Constitution politique de Bolivie dispose que la religion et l’État sont deux institutions distinctes. Toutefois, l’Église catholique n’est jamais loin. Selon les propos recueillis par l’AFP en date du 18 novembre 2019, Monseigneur Aurelio Pesoa, secrétaire général de la Conférence épiscopale de Bolivie, incite la population et les institutions « à pacifier le pays et se mettre d’accord sur les conditions de nouvelles élections présidentielles et législatives et (l’élection) de nouveaux membres du Tribunal suprême électoral. »

 

« Le dialogue est le chemin le plus approprié pour surmonter les différences entre Boliviens », a déclaré le secrétaire général de la Conférence épiscopale de Bolivie, Monseigneur Aurelio Pesoa.

 

La religion en Bolivie : un clivage entre l’élite et les autochtones

 

Selon les experts, Evo Morales était un symbole d’espoir pour les cultures autochtones. Lui-même d’origine autochtone, sa principale action était de mettre en avant les cultures traditionnelles indigènes. À en croire Dan F. Marques, entre 60 et 70 % de la population bolivienne est autochtone.

Selon François Gélineau, doyen et professeur titulaire au département de science politique de l’Université Laval à la tête du Centre d’études interaméricaines (CEI), « en Bolivie plus que dans les autres pays en raison de la forte proportion de la population qui est autochtone, la religion est probablement un facteur de division entre l’élite très catholique et les autochtones qui se sont probablement sentis émancipés davantage sous Morales. À mon avis c’est probablement un facteur de mobilisation anti-Morales. »

 

François Gélineau, doyen et professeur titulaire au département de science politique de l’Université Laval, estime que les évènements de ces dernières semaines en Bolivie, sont dus à un manque de transparence. (Crédit photo : Mélanie Merlin)

 

Le fait particulièrement marquant est la sortie publique de Jeanine Añez accompagnée de Luis Camacho, leader d’extrême droite, brandissant la Bible en guise de symbole de pouvoir : « elle est arrivée avec une Bible à la main en disant “Le Christ est revenu en Bolivie”. Il y avait Camacho à côté, le leader du mouvement de droite qui ne souhaitait plus jamais de Pachamama, plus jamais de religion autochtone en Bolivie » atteste le professeur Dan Marques. Le Pachamama étant un rituel autochtone.

La Bible viendrait trancher entre un point de vue social et politique. La religion prend l’aspect d’une certaine domination hiérarchique.

« On a un conflit entre des traditions catholiques des classes dominantes blanches en Bolivie qui ne sont pas autochtones, qui sont traditionnellement l’élite blanche catholique colonisatrice. Je pense que le clivage est plus entre cette élite blanche dominante à la fois sur le plan économique, politique, culturel, également dû à cette occidentalisation qu’on a eu en Amérique latine à partir de la colonisation versus les peuples traditionnels, premières nations, autochtones et leurs cultures », explique Dan Marques.