Le Canada et le Mexique sont les deux seuls pays de l’hémisphère occidental à ne pas avoir rompu les relations diplomatiques avec Cuba après 1949. Se faisant, il y a beaucoup de potentiel dans le renforcement de la relation entre le Canada et Cuba, croit John Kirk, professeur d’études latino-américaines à Dalhousie University. Mais, à son avis, ce potentiel n’a pas été assez exploité depuis l’époque où Pierre-Elliot Trudeau était premier ministre du Canada. Son fils, Justin Trudeau, est désormais premier ministre et il y a eu «plusieurs progrès symboliques significatifs» dans la relation entre les deux pays, dit-il à L’Exemplaire.

À titre d’exemple, il mentionne, entre autres, des rencontres diplomatiques de haut niveau, des missions commerciales et des évènements culturels cubains mettant à l’honneur le Canada. «La relation entre le Canada et Cuba progresse lentement après 10 ans de stagnation», constate le professeur. Dans un article publié dans le Globe and Mail en janvier 2016, l’ancien ambassadeur canadien à Cuba Mark Entwistle indiquait que la relation entre les deux pays avait été négligée et qu’avec un nouveau gouvernement en poste à Ottawa, c’était le temps de rafraîchir cette relation.

Mentionnons que lors du décès de Fidel Castro, Justin Trudeau a fait part de sa «profonde tristesse» par voie de communiqué. «Fidel Castro, leader plus grand que nature, a consacré près d’un demi-siècle au service du peuple cubain. Révolutionnaire et orateur légendaire, M. Castro a réalisé d’importants progrès dans les domaines de l’éducation et des soins de santé sur son île natale», a-t-il déclaré, tout en ajoutant qu’il s’agissait d’une «figure controversée». Peu après, lorsque les médias lui ont demandé si l’ancien dirigeant cubain était un dictateur, M. Trudeau a répondu par l’affirmative. «Il y a des gens qui ont bien des souvenirs, qui ont vécu des réalités extrêmement difficiles par rapport à l’histoire de Cuba. Et je ne suis pas du tout en train de minimiser ça», a-t-il dit, selon La Presse canadienne.

 

Relations économiques

Selon la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, en 2015, Cuba avait un PIB de 90 milliards de dollars américains et la croissance du PIB était de 4,3 %. Ses premiers partenaires commerciaux en matière d’exportations étaient, respectivement, le Venezuela, le Canada, la Chine, l’Espagne et les Pays-Bas. D’après le Service des délégués commerciaux du Canada, les secteurs cubains offrant le plus grand nombre de débouchés pour les compagnies canadiennes sont les suivants : technologies et machines agricoles, infrastructures, produits du bâtiment et services connexes, technologies propres, exploitation minière, pétrole et gaz.

À la mi-novembre 2016, le premier ministre canadien a conclu une première visite officielle à Cuba où il s’est entretenu avec Raul Castro. Le Canada a fait part de sa volonté de renforcer la relation entre les deux pays. En ce qui a trait aux relations commerciales et économiques, le Canada s’engage à «communiquer le savoir-faire technique relatif au modèle de partenariat public‑privé canadien, particulièrement en ce qui a trait aux investissements dans l’infrastructure» et à «accroître le commerce et les investissements bilatéraux, ainsi que la collaboration en matière d’innovation».

D’un point de vue économique, le Canada ne prend pas suffisamment avantage de sa bonne relation avec Cuba, croit le professeur John Kirk. Pour sa part, Archibald Ritter, professeur au département de sciences économiques à Carleton University, souligne que le gouvernement canadien, «depuis le début des années 90, appuyé des initiatives commerciales et en matière d’investissements». Désormais, «on doit attendre que des réformes additionnelles aient lieu à Cuba», ajoute-t-il, en entrevue avec L’Exemplaire. Un des obstacles aux investissements canadiens réside dans la législation américaine. «Le problème est que le gouvernement américain a des lois en place qui sont très hostiles à quiconque investit dans Cuba s’ils ont aussi des investissements aux États-Unis», explique M. Kirk. Ainsi, certaines grandes compagnies canadiennes pourraient être dissuadées d’investir à Cuba afin de ne pas affecter leurs intérêts commerciaux aux États-Unis qui est le premier partenaire commercial du Canada.

Le président américain sortant Barack Obama avait lancé un processus de normalisation des relations avec La Havane. Il avait notamment rencontré le président Raul Castro à Cuba en mars 2016. Cependant, une incertitude plane quant à l’avenir de l’accord de normalisation. En effet, quelques jours après le décès de Fidel Castro, le nouveau président élu, Donald Trump, a menacé d’annuler l’entente si l’administration cubaine n’était pas disposée à l’améliorer. Indépendamment de la stratégie poursuivie par les États-Unis, le Canada va maintenir de bonnes relations diplomatiques avec Cuba, prédit le professeur Kirk. Quant au professeur Ritter, il ne croit pas qu’une tactique musclée de la part de Donald Trump serait efficace. Les Cubains ne plieront pas, selon lui.

Pour la petite anecdote…

John Kirk a déjà rencontré Fidel Castro. En 1994 et en 1996, il avait été interprète auprès du premier ministre de la Nouvelle-Écosse John Savage, lors de deux missions à Cuba. Les rencontres étaient «très intenses» et se poursuivaient jusqu’à tard dans la nuit, relate M. Kirk. Il décrit l’ancien président cubain comme étant un homme «très charismatique», ayant de «très bonnes qualités interpersonnelles» et une «très bonne compréhension de la politique internationale». En 1967, le président français Charles de Gaulle avait lancé «Vive le Québec libre!» lors de son passage à Montréal; des mots qui avaient engendré une forte polémique. Faisant référence à cet évènement, M. Castro avait promis au premier ministre John Savage que s’il venait à Halifax un jour, il ne dirait pas «Vivre la Nouvelle-Écosse libre!», raconte M. Kirk.