© Radio Canada. 14 aout 2012, Pauline Marois, cheffe du Parti Québécois s’engage à faire adopter la charte de laïcité si elle est élue Première Ministre
© Radio Canada. 14 aout 2012, Pauline Marois, cheffe du Parti Québécois s’engage à faire adopter la charte de laïcité si elle est élue Première Ministre

 

La campagne électorale du Parti Québécois (PQ) de 2012 avait posé les bases d’un retour à une forme de populisme au Québec. En proposant une charte de la laïcité, les péquistes ont relancé l’idée d’un électorat de base ayant des idées contraires à l’élite politique. L’élection cette fin de semaine de Jean-François Lisée à la tête du PQ relance le débat. Pour le premier ministre Philippe Couillard, le PQ avec son nouveau chef élu a « une parenté familière » avec les « partis populistes d’Europe ». Retour sur un phénomène compliqué à utiliser en politique. 

2012-2016, quatre ans d’écart et pourtant toujours le même sujet dans le programme du PQ : la laïcité. Les élections pour le chef du parti et les débats qui s’en suivent ont encore une fois tourné autour de cela comme le montre les échanges entre Alexandre Cloutier et Jean-François Lisée à Drummondville. Un point important pour les politologues qui considèrent qu’en s’appuyant sur ce sujet, c’est jouer sur les peurs de la population de se voir rattraper par des religions extérieures. Les péquistes misent donc sur une certaine forme de populisme comme lors des élections de 2012.

Un projet ambigu…

Déjà lors des élections générales de 2012, le PQ avait fait de la Charte de la laïcité son fer de lance pour gagner face aux libéraux du désormais ex-Premier ministre du Québec, Jean Charest. Cette charte voulait à l’époque interdire aux fonctionnaires des services publics de porter des signes religieux. La cheffe du parti disait à ce moment là que « le Canada prenait l’idéologie du multiculturalisme qui invite les gens à vivre dans des ghettos ». Une phrase choc qui en substance voulait dire que le Canada acceptait tout le monde, ce qui pouvait détruire la culture du pays.

Pourtant, on voyait à l’époque que cette charte n’était pas nécessaire car il n’existait que peu de fonctionnaires qui portaient des signes religieux. Alors pourquoi la proposer ? Probablement pour jouer sur les peurs des électeurs et porter une forme de populisme au gouvernement québécois. Le but était donc de tirer la corde de l’émotif pour faire voter les québécois en faveur du PQ.

… mais non gagnant

Cet étendard de la laïcité porté par un gouvernement minoritaire du Parti Québécois n’a cependant pas fonctionné en 2012. Et encore moins en 2014 où plusieurs analystes attribuent la défaite du PQ à son positionnement en faveur d’une charte sur la laïcité. Ce qui est étonnant, c’est qu’à cette période, une majorité de québécois étaient en faveur de celle-ci.

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Source: CTV Montréal (2014)

Les sondages montraient à l’époque que le PQ avait raison de jouer sur cette peur des autres et surtout des autres formes des religions. Un plan populiste qui de l’avis des experts était bien ficelé mais trop difficile à mettre en oeuvre si le parti accédait au gouvernement québécois.

Et maintenant ? 

En 2016, le populisme reste présent au Québec et pas seulement au Parti Québécois. Les autres partis ont compris qu’en ces temps instables, jouer sur les peurs et les différences entre électorat et élites politiques étaient un moyen efficace. Sylvain Gaudreault, chef intérimaire du PQ, assurait encore le mois dernier que désormais « la Coalition Avenir Québec (CAQ) était de droite mais en plus populiste ».

Nathalie Roy, membre du CAQ, expliquait dernièrement qu’il fallait bannir le port du burkini au Québec. Ce que considérait le chef intérimaire du Parti Québécois comme une déclaration populiste. Quelques jours plus tard, Jean-François Lisée, candidat à la chefferie du PQ, allait plus loin en proposant un débat sur l’interdiction du port du burkini et du voile. Alexandre Cloutier, favori à la chefferie, faisait de la laïcité le nouveau sujet des débats. Deux partis opposés et pourtant les mêmes sujets. Une tactique qui fonctionnera dans l’avenir ?

Déjà en 2014, Frédéric Bastien, docteur en politique internationale de l’Institut des hautes études internationales de Genève déclarait : « Le PQ a toujours été le parti qui a fait de la défense de l’identité québécoise un de ses chevaux de bataille. En cette époque où l’on assiste à une montée de l’intégrisme religieux, la laïcité demeure nécessaire et reste populaire. Les aspirants à la chefferie péquiste gagneraient à porter davantage cet enjeu. » Vraisemblablement le message a été entendu. Mais la question est désormais de savoir si le populisme entrera au gouvernement à travers le Parti Québécois ou un autre parti lors des prochaines élections