Alors que les Colombiens ont rejeté les accords de paix lors du référendum du 2 octobre dernier, le prix Nobel de la paix a été attribué 5 jours plus tard au président Juan Manuel Santos. Plus qu’une récompense pour ses efforts, le prix Nobel est avant tout un signe d’encouragement pour le président colombien. Mais peut-il se transformer en fardeau ?

Une aide bienvenue

Bien qu’à valeur seulement consultative, le résultat du référendum du 2 octobre a quelque peu ébranlé la crédibilité de Juan Manuel Santos dont la côte de popularité frôle les 20%. Une situation qui a peut-être incité l’institut Nobel à donner un coup de pouce au président colombien en lui attribuant le prix Nobel de la paix, lui permettant ainsi de retrouver cette crédibilité, indispensable lors des négociations avec les FARC mais aussi face au parti d’opposition emmené par l’ex président Alvaro Uribe.

Bien sûr, ce prix n’est pas seulement un signe d’encouragement, mais aussi une récompense du travail acharné de Juan Manuel Santos qui, depuis 4 ans, n’a d’autre objectif que de mettre fin à ce conflit destructeur qui dure depuis plus de cinquante ans. “C’est un appui précieux aux efforts du président Santos. Il a lutté pratiquement tout seul pour obtenir ce résultat. Cela remet le pays sur le bon chemin en redonnant l’espoir aux Colombiens et en leur faisant comprendre que la communauté internationale attend de grandes choses d’eux” a notamment déclaré Ingrid Betancourt, ancienne otage des FARC entre 2002 et 2008 et ex-candidate à la présidentielle colombienne en 2002.

Un poids lourd à porter

Juan Manuel Santos est le 15ème chef d’État à recevoir le prix Nobel de la paix. Une récompense sous forme d’encouragement qui ne se conclut pas toujours par les résultats attendus. En 2009, Barack Obama recevait lui aussi le prix Nobel de la paix, seulement un an après son arrivée à la Maison Blanche et quelques semaines après son discours du Caire dans lequel il prônait un monde où les armes nucléaires n’avaient pas leur place et où l’islam était compatible avec la politique américaine.

Aujourd’hui, les États-Unis sont toujours pleinement impliqués dans le conflit syrien, les actes de terrorisme n’ont jamais été aussi violents et nombreux, et nous pouvons ajouter que Guantanamo n’est toujours pas fermé. Un constat qui a amené Geir Lundestad, ex directeur de l’Institut Nobel, à cette conclusion : “Avec le recul, nous pouvons reconnaître que l’argument selon lequel ce prix allait donner un coup de main à Barack Obama n’était pas complètement exact.”

Ainsi, une telle distinction aurait-elle été trop lourde à porter pour Barack Obama ? Pourrait-il se produire la même chose avec Juan Manuel Santos ?

L’espoir est permis

Contrairement à Barack Obama, le président colombien n’est pas attendu sur plusieurs enjeux internationaux, mais seulement (si l’on peut dire!) sur l’accord de paix avec les FARC. Certes, le Nobel fait peser sur ses épaules tout le poids de l’espoir des Colombiens mais aussi de la communauté internationale. Cependant, c’est une carte maîtresse que Juan Manuel Santos a désormais dans son jeu. Son impact se ressentira nécessairement dans les prochaines discussions qu’il entamera avec l’opposition afin de retravailler les accords.

Des accords pour le moment très conciliants avec les quelques 6000 guérilleros qui pourraient s’en sortir en quasi impunité ou avec des peines mineures. Une raison qui explique en bonne partie le résultat du référendum malgré la très forte abstention (62,6%).

Ainsi, le prix Nobel de la paix pourrait donner la crédibilité et la force suffisante à Juan Manuel Santos pour améliorer les accords et satisfaire une population qui souffre depuis plus de cinquante ans. Un demi-siècle pendant lequel 300.000 personnes ont perdu la vie.

Le président colombien ira chercher son prix le 10 décembre prochain à Oslo avec, nous l’espérons tous, une voie toute tracée pour la paix.