Lors de sa première journée en poste, le nouveau président des États-Unis, Joe Biden, signe un décret contre l’expansion du pipeline Keystone XL, qui devait acheminer notamment du pétrole albertain jusqu’au Texas. Ce changement pourra amener le Canada à se questionner quant aux décisions économiques que prendra le nouveau gouvernement à l’égard du commerce extérieur. Les experts en la matière n’anticipent pas nécessairement une hausse des tarifs douaniers, mais s’attendent à ce que les États-Unis favorisent leur économie locale ce qui affectera la quantité de produits exportés par le Canada.

L’élection du nouveau président américain aura des répercussions sur le commerce canadien et plus particulièrement au niveau de « la part de l’exportation destinée aux États-Unis qui est déjà en décroissance depuis quelques années » pourtant vitale pour l’économie canadienne, explique Jean-Frédéric Morin, expert sur l’ALENA (ACEUM aujourd’hui) et professeur titulaire au Département de science politique de l’Université Laval.

« L’économie canadienne est une économie qui est tournée vers le commerce international et son partenaire principal est les États-Unis. » – Jean-Frédéric Morin

Selon lui, le Canada tente de diminuer sa dépendance à son principal partenaire commercial, puisqu’elle pourrait grandement lui nuire, mais il ne sera jamais complètement en mesure de se sortir de cette situation. Le secteur manufacturier sera le plus affecté par les mesures protectionnistes des États-Unis, tandis que les secteurs de l’agroalimentaire et des énergies renouvelables devraient bien s’en sortir, estime M. Morin.

Pour l’expert, l’arrivée de cette nouvelle administration américaine n’aura pas que des effets négatifs. Contrairement à la présidence Trump, l’ère Biden apportera un peu de répit en réinstaurant une certitude et une stabilité dans les accords commerciaux entre le Canada et les États-Unis. Les changements qui seront apportés dans les accords ne toucheront pas les tarifs comme à l’époque de Trump, souligne-t-il, mais plutôt les achats extérieurs faits par les États-Unis et ainsi l’exportation canadienne. D’après Jean-Frédéric Morin, l’arrivée de Biden aux commandes annonce une ère encore plus protectionniste que sous son prédécesseur, notamment avec la réinstauration du Buy American Act, une loi fédérale qui restreint l’achat de biens et produits non-domestiques au gouvernement américain.

Un partenaire commercial indispensable

Jean-François Soucy, responsable des opérations à l’usine de Sherbrooke de FilSpec, explique que le textile est un des biens les plus exportés aux États-Unis depuis le Québec et le Canada. Pour lui, la nouvelle administration pourrait signifier une fluctuation des tarifs douaniers, mais les États-Unis demeureront le partenaire commercial principal du pays et de la province.

« Les gouvernements changent et les prix risquent de changer, mais on n’arrêtera pas d’exporter vers notre plus gros client. » – Jean-François Soucy

Pour l’instant, M. Soucy évalue que les exportations ont surtout été affectées par la pandémie de la Covid-19 et qu’aucun changement n’est survenu depuis l’élection américaine. Il anticipe que les échanges devraient reprendre avec vigueur une fois la crise contrôlée des deux côtés de la frontière.

En raison de la pandémie, le commerce entre le Canada et les États-Unis à fortement chuté au cours de la dernière année. L’évaluation du ministère des Affaires mondiales du Canada est que les « exportations vers les États-Unis ont diminué de 15,6 % et les importations ont chuté de 11,0 %, ce qui représente une contraction plus importante que la baisse des échanges avec les autres pays ». Le ministère souligne que cette chute est liée au fait que les deux secteurs les plus touchés par la pandémie, soit l’automobile et l’énergie, constituent les principales catégories d’exportation vers les États-Unis.

Le commerce entre le Canada et les États-Unis est l’un des plus importants au monde. Selon la Office of the United States trade representative, soit le bureau qui négocie les ententes de commerce avec les partenaires internationaux, le commerce des deux côtés de la frontière en biens et services s’élevait à plus de 718 M$ en 2019, plaçant le Canda au deuxième rang des plus importants partenaires des États-Unis. Le premier rang est occupé par la Chine.

Pour le Canada, les plus importantes catégories d’imports en provenance des États-Unis sont :  les véhicules et les machineries lourdes. Pour ce qui en est de l’export vers les États-Unis, on retrouve plutôt les biens agroalimentaires et les métaux.

Un retour vers la négociation

L’Accord Canada-États-Unis-Mexique, soit la principale entente de libre échange en Amérique du Nord, n’est pas définitive ; il y aura certainement des négociations de la part du Canada pour tenter de continuer à exporter ou à approvisionner certains secteurs qui n’y sont pas inclus présentement, mentionne Louis Bélanger professeur titulaire au Département de science politique de l’Université Laval, expert sur la politique commerciale, les négociations commerciales et le libre-échange. Le professeur avance qu’à des fins de relance économique interne, il faut s’attendre à ce que le gouvernement américain établisse des mesures protectionnistes et investisse davantage dans son commerce intérieur qu’extérieur.

« L’administration de Biden a [par exemple] l’intention d’injecter des fonds dans l’économie pour la relancer, dont certains serviront les achats américains ». –  Louis Bélanger

Le Canada ne devrait pas trop souffrir des mesures prises par l’administration de Biden, souligne-t-il, le pays ayant entretenu de bonnes relations avec le gouvernement américain depuis longtemps.