Israël mène une guerre sans merci dans la bande de Gaza, depuis 2 mois, sur le terrain oui, mais dans nos écrans aussi. L’objectif : légitimer les bombardements dans l’enclave palestinienne, qui ont pourtant tué des milliers de civils.

Le siège d’un hôpital à Gaza excusé par un mensonge

Durant le mois de novembre, l’un des porte-parole de l’armée israélienne a affirmé que des soldats du Hamas détenaient des otages israéliens dans l’hôpital al-Rantissi, situé au nord de Gaza. Dans cette vidéo de propagande, ce porte-parole se trouve dans cet hôpital. Il présente un calendrier sur lequel les soldats du Hamas auraient inscrit leur nom, afin d’indiquer leur tour de garde pour surveiller les otages.

Le problème ? Ce ne sont pas des noms inscrits sur cette liste, mais bien des jours de la semaine. « À moins que les gardes s’appellent lundi, mardi, mercredi, c’est un mensonge total » tel que le rapporte Jeff Yates, journaliste de Radio-Canada spécialisé en désinformation, dans une émission sous format balado des Décrypteurs.

Ce sont des poupées qui meurent sous les bombardements israéliens… Vraiment ?

Un autre cas d’école. Le 13 octobre passé, l’ambassade israélienne en France a affirmé que le Hamas avait publié la vidéo d’une poupée pour simuler la mort d’un enfant, à la suite de bombardements israéliens. La vidéo originale a été retrouvée par le journal français Libération. L’auteur palestinien de cette vidéo, Momen El Halabi, a ensuite envoyé au journal quatre photographies de la scène, ainsi qu’une autre vidéo démontrant, selon lui, qu’il ne s’agissait pas d’une poupée.

Cette scène a d’autant plus été immortalisée par un photographe de l’Agence France-Presse (AFP), Mohammed Abed, le 12 octobre. L’AFP a écrit comme légende de cette photo : « Un Palestinien tient un enfant enveloppé dans un linceul pendant les funérailles, alors que les combats entre Israël et le mouvement Hamas se poursuivent pour le sixième jour consécutif dans la ville de Gaza, le 12 octobre 2023. »

Ce n’est pas un cas unique. En début décembre, la photo d’une femme tenant dans ses bras un bébé décédé a circulé sur les réseaux sociaux, tel que nous l’a rappelé Nicholas De Rosa, journaliste de Radio-Canada. Plusieurs internautes, ainsi que le journal israélien The Jerusalem Post, ont affirmé que ce bébé n’était qu’une poupée.

Or, le bébé était un vrai bébé. Des journaux, comme France 24, en ont eu la confirmation de médecins légistes, et The Jerusalem Post a par ailleurs retiré son article, attestant que celui-ci ne respectait pas ses normes éditoriales.

« Des gens au sein même du gouvernement israélien ont avancé cette idée-là. Des deux côtés [du Hamas et d’Israël] on désinforme, c’est ce que les États font en temps de guerre. » – Nicholas De Rosa

La désinformation : une véritable arme de guerre

 Pour Nicholas De Rosa, il y a une ligne nette tracée entre les individus propalestiniens et ceux pro-Israël, même ici. « Les gens ne s’entendent pas sur ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas. » C’est une situation qui augmente la polarisation, entre autres sur les réseaux sociaux, mais qui est aussi palpable dans les rues, notamment à Montréal, à travers des manifestations.

Pour Laurent Bigot, directeur de l’École publique de journalisme de Tours et spécialiste dans le domaine de la désinformation, la propagande menant à de la désinformation est une arme « et en plus, ce n’est pas la moins puissante ». Toujours selon lui, tous les états-majors existants considèrent la désinformation comme un outil dont ils disposent dans leur attirail de guerre. « [La désinformation] a des conséquences très directes pour bien des gens. En contexte de guerre, alors là forcément l’effet peut être décuplé et immédiat. »

Selon M. Bigot, la tâche est complexe lorsqu’un ou une journaliste souhaite départager le vrai du faux dans la jungle informationnelle que représente la propagande israélienne, ou celle du Hamas. « Il y a une deuxième question qui vient après : est-ce qu’il y a un sens, pour des journalistes israéliens par exemple, à contrer la propagande israélienne ? » se questionne le spécialiste.