De plus en plus de journalistes se spécialisent en « immigration » pour couvrir les enjeux qui touchent cette frange de la population. C’est du moins ce qu’a expliqué la chercheuse Paula de Souza Paes lors de sa conférence intitulée L’information sur l’immigration entre intérêt général et expertise.
Ayant elle-même eu le statut d’immigrante en France, la docteure en sciences de l’information de l’Université de l’État du Minas Gerais au Brésil, Paula de Souza Paes s’intéresse au traitement journalistique de l’immigration. « En plus d’avoir du recul sur le sujet, cela me touche parce que je ne suis pas Française, souligne-t-elle. Les Français sont gênés quand je parle d’immigration, car c’est un sujet chaud. »
Les médias traitent souvent cette thématique indirectement, explique-t-elle. « Quand nous parlons d’immigration dans les médias, normalement nous parlons de faits divers », précise-t-elle. C’est pourquoi, selon elle, la spécialisation permet aux journalistes d’approfondir la question en faisant référence à des ouvrages scientifiques dans leurs articles. « Cela démontre qu’il y a de l’intérêt journalistique et de l’intérêt du public envers la thématique de l’immigration », souligne-t-elle, en précisant que la plupart d’entres eux finissent pas publier des livres sur le sujet.
C’est ce que croit aussi le chargé du cours Médias, immigration et communautés ethniques à l’Université du Québec à Montréal, Mustapha Belabdi. « Être spécialisé aide à démystifier les enjeux, précise-t-il. Cela permet de mieux connaître les dossiers qui traitent d’une minorité, et c’est important puisque c’est un terrain de vulnérabilité qui peut avoir de grandes répercussions. »
Pour la codirectrice du Groupe d’études et de recherches axées sur la communication internationale et interculturelle, Farrah Bérubé, la spécialisation dans le domaine de l’immigration n’est pas du tout étonnante puisque « l’immigration est devenue une préoccupation sociale importante ».
Après avoir réalisé ces recherches, Paula de Souza Paes a constaté qu’en plus d’avoir des journalistes spécialisés en immigration, certains médias créent une section « immigration » dans leur quotidien. « [Ils] contribuent à constituer un “sous-espace spécialisé au service ‘Société’ de la presse à la mesure que l’immigration prend de l’importance au champ politique à partir de l’émergence des ‘problèmes des banlieues’ et de la politique de la Ville” », est-il écrit dans son résumé de thèse.
Briser l’homogénéité d’une salle de presse
Pour s’assurer de jouir d’un meilleur traitement journalistique sur la question de l’immigration, Paula de Souza Paes croit qu’il devrait avoir une plus grande diversité dans les salles de rédaction. « Les journalistes ont des idées préconçues et cela a un impact sur comment ils décrivent le monde, explique-t-elle. Je pense qu’il faut qu’il y ait une rédaction plus hétérogène, que ce soit par rapport au genre et à l’ethnicité. »
Même constat pour Farrah Bérubé. « Les médias parlent très peu des problématiques de la population immigrante, et quand ils en parlent, ce n’est pas via leur communauté, mais généralement via un homme blanc », déplore-t-elle. Pour elle, cette spécialisation lui donne cependant un peu d’espoir. « J’espère que les médias deviendront plus représentatifs de la diversité et que cette spécialisation permettra d’ouvrir des portes », affirme-t-elle. Un souhait qui est aussi partagé par Paula de Souza Paes.