Depuis quelques années, les messages haineux envahissent la Toile. Autant les médias, les gouvernements que les géants du Web doivent mettre la main à la pâte pour éradiquer ce fléau. Portrait de Léa Martin, spécialiste en gestion de communautés de la Coopérative nationale de l’information indépendante (CN2i).
Fraîchement diplômée en journalisme à l’Université Laval en 2020, Léa Martin est nommée comme spécialiste des réseaux sociaux au sein de la CN2i, une coopérative qui remplace le Groupe Capitales Médias. Son premier mandat : créer une nétiquette pour l’ensemble des six quotidiens. Car le besoin est pressant : propos haineux et conspirationnistes pullulent sur leurs réseaux sociaux.
« On retrouve de plus en plus des commentaires haineux, mais aussi faux, notamment avec la pandémie. C’est problématique », constate-t-elle.
Mais c’est quoi, au juste, une nétiquette ? Selon le Larousse, c’est « l’ensemble des règles de bonne conduite à observer sur Internet ». En bref, ça indique ce qu’il est permis d’écrire et ce qui ne l’est pas.
« C’est une ligne directrice qui nous donne une légitimité de pouvoir supprimer un commentaire parce que celui-ci ne correspond pas à nos valeurs », précise Mme Martin. Tous les commentaires menaçants, diffamatoires ou qui incitent à la violence sont systématiquement supprimés. Les propos homophobes, sexistes et racistes, dit-elle, sont également « tolérance zéro ».
Un mandat plus facile à dire qu’à faire. Notamment en ce qui concerne la « ligne mince » entre un commentaire formulé sur un ton agressif et un propos haineux à proprement parler. « La gestion des commentaires sur Facebook, ça pourrait être une job à temps plein », blague la jeune femme de 24 ans.
Et le but de créer une nétiquette ? « Créer un milieu pour le débat et la discussion sur nos pages. On veut que les gens se sentent impliqués dans leurs nouvelles locales, mais on veut que ça se fasse dans le respect. On veut créer un safe space », avance-t-elle.
L’Europe, « chef de file »
Outre le travail des journalistes à limiter les dégâts sur la Toile, les gouvernements et les entreprises ont fait preuve d’initiative pour enrayer ce fléau.
En 2018, l’Allemagne adoptait la « NetzDG », une loi destinée à combattre les discours de haine sur Internet. Plus concrètement, cette loi oblige les réseaux sociaux à retirer un contenu haineux dans les 24 heures suivant son signalement. Sinon, la loi impose de lourdes amendes aux contrevenants.
S’inspirant de la loi allemande, l’Assemblée nationale française adoptait en 2019 la loi contre les contenus haineux sur Internet, dite la « loi Avia ». Dans la même veine, les plateformes sont obligées de retirer les contenus « haineux » ou « injurieux » dans les 24 heures suivant leurs signalements. Quant aux contenus terroristes et pédopornographiques, ceux-ci doivent être retirés en moins d’une heure.
Du côté des géants du Web, souvent pointés du doigt pour leur tolérance face à ces contenus, certains se sont aussi attaqués à ce problème dans les dernières années. En 2019, Twitter annonçait qu’il allait filtrer les attaques fondées sur l’âge, la malade, le handicap et la religion.
Quant à Facebook, l’entreprise collabore désormais avec la justice française en fournissant les adresses IP des auteurs de propos haineux diffusés sur sa plateforme.
Des initiatives que Mme Martin n’hésite pas à féliciter. « La liberté d’expression ça vient avec des responsabilités et des devoirs. Les gens ne peuvent pas dire n’importe quoi sans impunité, sinon, ça en encourage d’autres. »
Si les gouvernements et les géants du Web ont leur part à faire, les journalistes ont aussi une part de responsabilité à limiter ces discours haineux, croit-elle. « Je ne dis pas qu’il faut que les médias se censurent, mais ils doivent faire un effort dans leur couverture. Leurs articles ne doivent pas relever du sensationnalisme et inciter à la haine d’une certaine communauté. On est aussi un acteur de solution et de changement », conclut-elle.