Presque 30 ans après le lancement d’une demande d’adhésion à l’Union européenne, la Turquie n’a toujours pas avancé dans ce processus et la situation semble aller de pire en pire. Une des explications : le non-respect de la liberté de la presse. En demandant une amélioration de cette dernière, l’Europe ne joue-t-elle pas une politique de « deux poids, deux mesures » quand on voit que cet aspect primordial pour les Etats européens se dégrade en son sein même ?

Quand, en 1987, la Turquie fait une première demande d’adhésion à l’Union européenne, elle ne s’imagine pas que 30 ans plus tard la situation aurait très peu changé. Plusieurs raisons sont invoquées par l’Europe pour expliquer ce refus systématique : non-respect de la minorité kurde, des droits de la femme ou encore de la liberté de la presse. Une presse mal vue dans ce pays entre Europe et Asie.

Une situation qui se dégrade au fil des années

Déjà en 1987, la liberté de la presse en Turquie était visée du doigt mais depuis l’arrivée à la tête du gouvernement du Parti AKP en 2002, la situation s’est encore dégradée. En effet, ce Parti dirigé actuellement par le président au pouvoir Recep Erdogan a décidé de racheter et d’absorber certains grands groupes de presse comme le journal Sabah dirigé par un membre de sa propre famille. Une décision mal vue par les observateurs étrangers voyant ce rachat comme une manière de centraliser les médias entre les mains du gouvernement.

Le putsch manqué du 15 juillet a plus accéléré cette descente aux enfers envers les journalistes. Dix jours après, le ministère de la justice émettait plus de 40 mandats d’arrêts contre des journalistes soupçonnés d’être en faveur de cette tentative de coup d’Etat. Ce qui change avec cette purge, c’est que cette fois ce ne sont pas les médias d’opposition qui sont visés mais toute la presse qui pouvait être critique envers le gouvernement.

Dans son dernier classement, Reporters Sans Frontières classe même la Turquie au même niveau que des pays comme la Chine et l’Iran qui sont pourtant reconnus comme ne respectant pas ou peu la liberté de la presse. Ce nouveau classement ne rend donc pas service au gouvernement d’Erdogan qui espère encore et toujours pouvoir rentrer dans l’Union européenne. Pourtant la situation est contradictoire. Pendant que l’UE réclame un respect strict de la liberté de la presse,  celle-ci se dégrade au sein même de plusieurs Etats européens.

L’UE futur bonnet d’âne ?

Quand l’Union européenne demande à la Turquie de faire des ajustements dans sa politique et notamment au niveau de la protection des journalistes et de la presse, on pourrait s’attendre à ce qu’elle soit elle-même au meilleur niveau. Pourtant la presse connaît également des difficultés au sein même de l’UE. Car la réalité est bien là : une fois qu’un pays est entré, presque plus aucun contrôle n’est effectué pour voir si les conditions sont toujours bien respectées.

On voit ainsi plusieurs pays membres avoir une liberté de la presse qui décline d’année en année selon RSF. L’explication  est simple : les différentes instances de l’UE n’ont pas les armes pour lutter contre les violations des libertés de la presse et les exemples se font de plus en plus présents.

La Pologne et la Hongrie sont les deux pays qui ont dernièrement dérapé envers la presse voyant leur classement descendre au point de finir bons derniers des pays de l’UE. L’accession au pouvoir du Parti Droit et Justice en Pologne a tout changé et le parti n’hésite pas à proposer des changements dans la Constitution pour avoir un meilleur contrôle sur les journalistes et les médias publics. L’Allemagne aussi a vu son classement se dégrader suite à plusieurs agressions de journalistes lors de manifestations comme ce fut le cas pour une journaliste de la RTBF, la chaine de télévision publique belge.

 

Assiste-t-on à un recul de cette liberté de la presse tant voulue par l’Union européenne ou la presse est-elle devenue de moins en moins appréciée ? C’est une question légitime à se poser dans ce contexte où la Turquie semble abandonner définitivement son adhésion à l’UE suite au durcissement de sa politique intérieure sur de nombreux aspects y compris envers les médias et la presse.