Le 17 septembre, le domicile d’Ariane Lavrilleux, journaliste française pour le média d’investigation Disclose, a été perquisitionné par la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure). Cette perquisition a été suivie d’une garde à vue de plus de trente heures pour la journaliste. Les autorités françaises lui reprochent d’avoir signé cinq articles sur les ventes d’armes françaises à l’étranger. Une affaire d’intérêt public pour les journalistes, mais aux yeux des autorités françaises, une atteinte au secret-défense. Alors quand est-il de la liberté de la presse dans le pays des droits de l’homme et des libertés ?
Cette affaire contraste avec le dernier rapport de l’organisme non gouvernemental Reporters sans frontières (RSF). En l’espace de sept années, la France a bondi de la 45e à la 24e place dans le classement mondial sur la liberté de la presse. Ce bond peut s’expliquer par une progression en trompe-l’œil. En effet, les pays voisins de la France ont dégringolé dans le classement, faisant ainsi évoluer la France dans le classement.
Jordan Proust, doctorant en journalisme et chargé de cours à l’Université Laval explique que « la situation n’est pas plus grave qu’avant en France, mais dans le reste du monde, notamment en Europe, certains pays ont vu la liberté de la presse reculée, notamment l’Allemagne ou la Grèce. »
La pression sur les journalistes
Certains journalistes dénoncent un recul de la liberté de la presse, et une volonté d’intimidation de la part de la France. Jordan Proust confirme cette tendance, mais va inclure également les grandes entreprises dans ce processus d’intimidation.
« De nombreuses rédactions se font poursuivre en justice par ces grandes entreprises. Ce sont de longues procédures judiciaires, généralement très coûteuses pour les rédactions, et beaucoup moins pour les entreprises. »
Cependant, les journalistes ne sont pas seulement soumis aux pressions de la France et des grands groupes financiers. De fait, la multiplication des violences publiques envers les journalistes de la part des manifestants, mais également de la police n’a fait que mettre en exergue la difficulté pour un journaliste de faire son travail. Ce climat de violence et de défiance autour de la profession ne permet pas aux journalistes de faire leur travail. Le mouvement des gilets jaunes en 2018 en atteste avec au moins 54 journalistes qui ont été blessés durant des mois d’insurrection. On peut rajouter également durant la crise du COVID-19 en 2020 que les journalistes ont été à plusieurs reprises attaquées lors de manifestations contre l’instauration du pass-sanitaire.
Une offensive législative
Avec ce constat préoccupant au sein d’une démocratie comme la France, le gouvernement ne souhaite visiblement pas protéger cette liberté de la presse qui est historiquement implantée dans le pays. Le gouvernement a essayé de faire passer différentes lois dans ces dernières années qui tendent à fragiliser encore plus le droit d’informer.
D’abord, à l’automne 2020, un projet de loi promu par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, prévoyait de renforcer les droits des policiers. L’article 24 disposait que la diffusion d’images, par tout moyen qu’il soit, portait atteinte à l’intégrité physique ou psychique du policier. L’article a été par la suite modifié, mais ce projet démontrait bien l’intention derrière ce genre de dispositif législatif.
Pour faire face à la vague de fausses nouvelles sur Internet durant la COVID-19, le gouvernement français a créé un site internet « Désinfox ». Dans les faits, ce site gouvernemental proposait d’évaluer les médias selon la fiabilité de leurs informations. Cependant, aucune trace des articles du journal Médiapart, un site d’investigation ayant révélé de nombreuses affaires contre le gouvernement français. À la suite de ça, les autorités ont décidé de retirer le site internet après un mouvement de contestation tant de la part des journalistes que de l’opinion publique.
La loi relative à la protection du secret des affaires amène un risque d’autocensure pour les journalistes. Cette loi protège le secret commercial des entreprises, même si celui-ci est d’intérêt public. Les journalistes ne peuvent pas avoir accès à ces informations précieuses pour connaître les dessous d’une entreprise. Le manque de transparence et la protection qu’offre cette loi permettent aux groupes industriels d’agir en toute impunité.
La liberté de la presse est de plus en plus menacée en France, cela amène et pose un réel problème démocratique dans le pays des droits de l’homme.