La situation en Bolivie ainsi que les événements entourant le départ de l’ex-dirigeant, Evo Morales, ont provoqué un chamboulement sur la scène politique, sociale, et économique du pays. Des manifestations violentes ont éclaté entre militaires et paysans boliviens, partisans de la politique du chef exilé au Mexique. Un bon nombre d’entre eux, des « cocaleros», autrement dit cultivateurs de coca, revendiquent le retour d’Evo Morales, lui-même défenseur du droit à la récolte de cette feuille intégrée au patrimoine bolivien. Qu’arrivera-t-il à l’économie de la coca, et ce à la lumière des scénarii de gouvernement à venir?

 

La feuille millénaire

La feuille de coca est ancrée dans l’histoire culturelle andine et est consommée à des fins traditionnelles de par ses effets qui stimuleraient le cerveau et favoriseraient une meilleure absorption de l’oxygène dans le sang. Cette feuille pèse à la fois sur le plan social, politique et symbolique en Bolivie. Le statut légal de cette plante a longuement été discuté sur la scène nationale et internationale, en notant que la Bolivie est le troisième plus gros producteur de feuilles de coca à l’échelle mondiale.

La feuille de coca est aussi un emblème de l’identité autochtone Aymara en Bolivie. Malgré un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) sorti en 1995 qui assure la non-toxicité de la plante à l’état naturel, un contrôle permanent subsiste en Bolivie par l’Organisation des Nations-Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) afin de contrer sa transformation illégale en cocaïne, ainsi que l’étendue des champs de production.

 

Un droit intégré

Au cours des années 1990, la Bolivie fut le terrain de plusieurs débats quant à l’économie de la coca, jusqu’à l’arrivée au pouvoir d’Evo Morales en 2006, premier président autochtone à la tête du Mouvement vers le Socialisme (MAS). Il défend ainsi le droit à la production et à la consommation traditionnelle de la feuille et l’incorpore au sein de la Constitution bolivienne en 2009 :

« L’État protège la coca, une plante ancestrale et indigène, comme un patrimoine culturel, une ressource naturelle de la biodiversité de la Bolivie, et comme facteur d’unité sociale. À son état naturel, la coca n’est pas un narcotique »

En plus d’avoir travaillé pour l’expulsion de la Drug Enforcement Administration (DEA) du pays en 2008, Evo Morales a fait de la Bolivie une zone propice à la production légale de coca. Avec un prix de marché très élevé au kilogramme, la récolte de ces feuilles est pour les cultivateurs locaux une source de revenu permettant une économie de « levier ». La résignation d’Evo Morales le 10 novembre dernier a entraîné des réactions fortes au cours des dernières semaines de la part des cultivateurs de coca boliviens, la majorité d’entre eux appuyant la politique socialiste de Morales.

 

La résignation d’Evo Morales

Suite à l’exil de l’ex-président, plusieurs cultivateurs se sont réunis dans la ville de La Paz, pour protester contre le nouveau gouvernement intérimaire et sa représentante de droite, Jeanine Añez. Des altercations ont explosé entre paysans (une grande partie d’entre eux étant « cocaleros ») et militaires. Au moins 10 personnes ont été arrêtées dans la journée du 18 novembre dernier. Les protestataires accuseraient la nouvelle présidente d’être entrée au pouvoir de façon non-démocratique, via un coup d’État.

Les cultivateurs de coca verraient aussi en la nouvelle cheffe du gouvernement un risque pour la pérennité du statut économique de la majorité indigène de Bolivie. Un statut qui s’ést grandement amélioré lors de la présidence d’Evo Morales. Ils revendiquent le retour de ce dernier à la tête du pouvoir jusqu’à la fin de son mandat de base. Añez ne représenterait pas la majorité autochtone du pays, et par le fait même, n’accorderait pas aux yeux des cultivateurs, une importance aussi grande que Morales à l’égard de l’influence symbolique et traditionnelle de la coca. Le bureau de Défense du peuple bolivien aurait recensé la semaine dernière un total de 20 morts depuis la résignation de l’ancien dirigeant socialiste, si ce chiffre n’a pas augmenté depuis.

 

L’avenir de la coca

En allant à l’opposé de la volonté des grandes puissances nord-américaines et européenne quant à la politique de culture légale de la coca, l’ex-président bolivien s’était construit une image particulière à l’international. Evo Morales, lui-même « cocalero » possède un ancrage dans les territoires agricoles de Bolivie, là où la nouvelle présidente autoproclamée n’en a pas, d’où l’insurrection des cultivateurs après 14 ans sous la tutelle d’Evo Morales.

Avec l’arrivée au pouvoir de Jeanine Añez, la Bolivie pourrait être portée à une coopération globale, et travailler à la réduction graduelle des hectares de terrain où pousse cette feuille millénaire, mais cela au détriment des cultivateurs locaux de coca, qui se servent de cette économie comme économie de « levier », tel que mentionné plus haut.

Le problème que l’on reproche à la Bolivie est la grande difficulté qui existe dans la division des cultures de feuilles avec comme finalité la consommation traditionnelle et celle avec comme finalité la transformation en stupéfiant. L’exil d’Evo Morales pourrait donc entraîner un plus grand contrôle à la fois à l’intérieur du pays et à l’extérieur par rapport à l’étendue des cultures de coca, entre autres de la part des États-Unis, comme c’est le cas actuellement en Colombie et au Pérou.

Mercredi le 20 novembre, le Sénat bolivien a validé la première procédure de commencement des élections après l’adoption d’un projet de loi voté par le Mouvement socialiste bolivien (MAS) et les défenseurs de la présidente de droite par intérim. La suite du processus devrait encore évoluer.