Partir en vacances dans l’espace, un « rêve » que les terriens touchent du doigt. Évoqué depuis une quinzaine d’années, la prouesse technique avance mais se confronte à plusieurs difficultés.
« Avez-vous jamais imaginé contempler la planète bleue depuis les hauteurs de l’espace? Uniktour vous propose désormais cette expérience hors du commun et inoubliable. » Inutile de chercher trop longtemps : le billet pour l’espace est à portée de main.
Avec l’agence de voyage uniktourspace, le client peut choisir le programme, la navette, la date et même l’altitude. Le vacancier a l’opportunité de réaliser un simple vol en apesanteur pour 5500 dollars américains ou préférer un lancé suborbital de 4 jours et 3 nuits. Ce programme lui permet de dépasser les 100 kilomètres d’altitude et de s’extraire de l’atmosphère terrestre pour 100000 dollars.
Un marché prometteur
Les projets commerciaux pour envoyer en l’air d’apprentis astronautes font florès. Outre Uniktour, on estime à une vingtaine de sociétés en mesure d’envoyer des engins dans l’espace. Des entreprises privées, à l’image de Virgin Galactic du milliardaire Richard Branson, Tesla et ses fusées SpaceX, ou encore Blue Origin et son lanceur New Shepard appartenant à Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, travaillent d’arrache pied sur ces projets. Mais des entreprises publiques ne sont pas en reste. Boeing imagine des taxis spatiaux pour transporter des touristes. Le milliardaire Robert Bigelow, propriétaire des hôtels Budget Inn, préfère s’atteler à développer les plans d’un habitat spatial gonflable créé par la NASA. Elon Musk, fondateur de la société SpaceX, ambitionne quant à lui d’envoyer ses clients « coloniser » la planète Mars.
Dès 1993, l’institut de recherche The Japanese Rocket Society’s Space Tourism Research, prévoyait dans un rapport que le marché de l’espace pouvait rapporter jusqu’à 20 milliards de dollars américains par an.
Les prix encore élevés, pouvant atteindre le million de dollars pour une sortie dans l’espace, cantonnent le marché à une clientèle aisée ou issue du monde du showbiz. Pas inquiet, Richard Branson assurait dans le Guardian que l’investissement dans ce secteur ne pouvait être que rentable. « Malgré les risques et le montant à payer, les gens resteront prêts à tout pour réaliser cette life-changing experience ». Johann-Dietrich Wörner, directeur général de l’Agence spatiale européenne, abondait dans une interview au groupe bancaire Crédit suisse : « Ces dernières années, on a constaté qu’il existait un marché pour le tourisme de l’extrême, et notamment pour le tourisme spatial. Ici, l’offre et la demande sont interdépendantes. Cette forme de tourisme verra le jour, à plus ou moins long terme, indépendamment des évènements au-dessus du désert de Mojave. »
Des risques techniques et juridiques
Le chercheur allemand fait référence à la désintégration de l’avion spatial SpaceShipTwo de la société Virgin Galactic. Le 31 octobre 2014, dans l’Ouest des États-Unis, l’accident tue le copilote et blesse gravement le pilote. « L’aérospatiale est aujourd’hui encore à la limite de ce qui est techniquement faisable », confie Johann-Dietrich Wörner.»
« Le principal défi à relever sera de trouver le moyen le plus efficace possible d’amener une charge utile maximale en orbite terrestre, en fonction du poids au décollage et du carburant à utiliser. Mais les accidents n’ont jamais empêché les gens de construire des voitures, des bateaux ou des avions. Même la navigation spatiale publique a connu des revers. Et pourtant, nous avons continué à voler. »
Voler, peut-être, mais à quel droit ? André Farand, responsable du service juridique de l’Agence spatiale européenne (ESA), assure que l’on a comblé le vide juridique. « L’essentiel du vol suborbital se passera dans l’espace aérien d’un pays donné. La coutume reconnaissant que cet espace s’étend jusqu’à 100 km d’altitude. Les États pourront réglementer ce type d’activités, y compris en imposant des licences d’opération obligatoires à l’opérateur (et sujettes à la couverture d’assurance minimum). » Autrement dit, une concurrence acharnée de droits nationaux risque d’interférer. Et ensuite, au-delà de cette barrière, que se passe-t-il ? On se trouve là dans un trou d’air juridique. M. Farand, expert des questions de coordination internationale dans l’espace, poursuit en expliquant que c’est surtout la relation entre la compagnie et son client qui fera le droit du passager.
Les Agences de voyages, optimistes, prévoyaient des départs dès 2015. Mais si les réservations décollent, les fusées se font encore attendre.