Le conflit en Syrie perdure depuis de nombreuses années entrainant des millions de morts, de blessés et de déplacés. Les conséquences humaines et matérielles sont substantielles, mais la Syrie n’apparait que rarement dans les médias de nos jours. Pourtant, ce conflit complexe permet de comprendre de nombreux enjeux dans la région.
Depuis les revendications du printemps arabe en 2011, les contestations populaires et les groupes armés, qui sont venus soutenir les rebelles anti-régime dans les grandes villes, ont plongé la Syrie dans un conflit complexe. À partir de ces moments, la Syrie est au cœur d’un conflit qui déchire le pays et qui a fait des millions de morts et de déplacés. Des groupes comme al-Qaïda, l’état islamiste, les djihadistes nationalistes et religieux continuent d’œuvrer sur le territoire syrien et contribuent à le fragmenter.
« Aujourd’hui, la Syrie n’existe plus », dit Benjamin Toubol, doctorant en science politique et membre du Centre Interdisciplinaire de Recherche sur l’Afrique et le Moyen-Orient. En effet, les conséquences de ce conflit ont détruit en grande partie ce qu’était la Syrie. Les frontières syriennes existent encore, mais « la Syrie d’aujourd’hui est toujours dans une situation de fragmentation et il n’y a plus de société civile syrienne », mentionne M. Toubol.
Une grille de lecture du problème syrien
La Syrie est essentielle pour comprendre les enjeux dans le monde arabe. Elle est notamment la clé de l’influence iranienne et russe en Méditerranée. En effet, la Syrie a le seul accès à la mer Méditerranée de l’Iran pour la circulation de biens, de matériel militaire et de ressources.
Pour la Turquie, la Syrie est une zone d’expansion économique et militaire. La situation du Liban est aussi liée à la Syrie. « Le Liban est aussi dans une grave crise institutionnelle et existentielle. Une des raisons de cette crise, c’est la Syrie », selon M. Toubol.
Des cellules de l’état islamique existent toujours aujourd’hui au centre de la Syrie. Bien que la grande majorité du pays au sud-est soit désertique et n’a aucun intérêt économique particulier, elle est importante stratégiquement parce que c’est la porte d’entrée du Moyen-Orient, selon Benjamin Toubol. Plusieurs groupes terroristes et armés y sont présents.
Tous ces éléments montrent la nécessité de se pencher sur la situation. « Ce qu’on fait dans nos centres de recherche, c’est faire du « monitorage » de cette situation pour expliquer que c’est en tâche de fond, que ça explique un peu tout ce qui se passe au Moyen-Orient. La Syrie c’est vraiment une plaque tournante du terrorisme dans la région, mais surtout de l’influence des grandes puissances », mentionne Benjamin Toubol, membre du Centre Interdisciplinaire de Recherche sur l’Afrique et le Moyen-Orient.
Pourquoi parle-t-on de conflits silencieux ?
« C’est silencieux pour nous, au Canada, au Québec. Ce n’est pas silencieux pour les gens là-bas. Quand vous discutez avec des Syriens qui sont sur le terrain, c’est tous les jours. C’est leur quotidien. C’est leur réalité », mentionne Benjamin Toubol à propos de l’expression conflits silencieux.
Mais qu’est-ce qui rend ces conflits silencieux ? « C’est le silence des médias. On est dans une génération zapping où tout s’oublie très rapidement. Un évènement va après l’autre. C’est normal, mais les populations là-bas ne l’ont pas oublié et elles le vivent. », dit M. Toubol. Les conflits comme l’Ukraine et, plus récemment, entre Israël et le Hamas prennent une plus grande place dans les médias.
Un besoin de visibilité
Une plus grande visibilité du conflit syrien dans les médias aurait plusieurs utilités dont celle d’expliquer des phénomènes comme l’afflux des réfugiés.
« Ce n’est pas une invasion. Il y a une guerre qui fait des centaines de milliers de morts. Ils ne vont pas envahir un territoire, ils fuient une guerre », dit M. Toubol. L’absence d’explication ou le manque d’éducation sur l’afflux des réfugiés pourraient entrainer davantage de xénophobie ou de rejet de la migration
« L’exemple syrien devrait être la grille de lecture des conflits silencieux aujourd’hui. Ça rassemble tout ce qu’on peut comprendre comme conflits silencieux. », mentionne Benjamin Toubol. Pour ce politologue, cela permet de comprendre le flux de réfugiés, le risque sécuritaire, le conflit Israël-Hamas. Ces éléments expliquent l’influence des grands acteurs de la région et cela permet de mieux contextualiser les crises dans la région.