« La Chine est la plus grande prison du monde pour les journalistes ». C’est comme cela que Reporters sans frontières décrit la situation des journalistes en Chine. Dans son dernier recensement de la liberté de la presse dans le monde, le géant de l’Asie trône à l’avant-dernier rang de son classement, tout juste devant la Corée du Nord.
Le pays se retrouve avec un score de 22,97 sur 100, en régression par rapport aux études passées.
La Chine trône au premier rang en ce qui a trait au nombre de journalistes emprisonnés dans le pays. 101 sont incarcérés, soit un peu moins de 20% de tous ceux qui sont derrière des barreaux pour avoir pratiqué leur métier dans le monde.
La raison : à l’instar d’autres pays de la région d’Asie-Pacifique, le régime du président Xi Jinping accumule les restrictions pour resserrer son emprise sur le discours public.
« Il n’y avait pas une liberté totale, mais partielle de la presse avant l’arrivée de Xi Jinping », explique Roromme Chantal, spécialiste des relations internationales et des questions chinoises et professeur à l’École des hautes études publiques de l’Université de Moncton.
« À son arrivée, ça a changé complètement puisqu’il n’a pas cessé de chercher à renforcer son pouvoir. Il a entrepris de doter le pays d’une pensée unique. »
Les principaux organes de presse appartiennent tous à l’État et sont limités dans la distribution des informations. Cette culture médiatique fait en sorte que s’informer librement est un crime et qu’informer quelqu’un d’autre est un crime pire encore.
« Selon une loi passée en 2019, les médias doivent se conformer à la volonté et à la pensée du parti communiste. Ça ouvre la voie à toutes sortes de dérives », affirme Roromme Chantal.
« Il y a une certaine tolérance à la circulation d’information, mais des informations qui ne remettent pas en question le gouvernement central. »
Cette culture de restrictions et de l’imposition d’une pensée unique rappelle l’ère maoïste où plusieurs formes de libertés ont été restreintes.
« Ce n’est pas exagéré de dire qu’avec Xi Jinping, la Chine prend un pas en arrière au plan de la liberté de la presse et au plan de la liberté d’expression. On a l’impression de retomber dans cette ère où Xi Jinping se présente comme étant le nouveau Mao du pays », poursuit M. Chantal, auteur de plusieurs ouvrages sur la politique chinoise.
Une tendance qui selon le professeur de science politique se poursuivra sous la gouverne du régime actuel.
« Si le parti communiste veut rester au pouvoir, il ne peut permettre aucune forme de libéralisation au plan de la circulation des idées et de la liberté de la presse. »
Et si Xi Jinping quitte son poste?
« Demain s’il n’est pas là, quelqu’un d’autre sera là pour le remplacer », rétorque Roromme Chantal.
« Avec l’appareil en place, les dirigeants en place, aussi longtemps que le Parti communiste chinois sera en place, je doute vraiment qu’il y aura un changement important. »
Des défis pour les correspondants
Ce ne sont pas juste les journalistes chinois qui se voient limités dans leur travail. Le défi est aussi immense pour les correspondants étrangers qui se voient refuser leur demande de visa de travail dans le pays.
À part lors des Jeux olympiques d’hiver en 2022, les demandes des médias étrangers sont pratiquement toutes refusées de manière systématique. Dans son rapport annuel, le Club des correspondants étrangers de Chine (FCCC) indique que 96% des membres du club qui ont répondu à leur sondage se sont vus refuser le visa classique de journaliste permanent “J-1” en 2021.
Ce qui a conduit plusieurs journalistes à devoir se relocaliser, tout en continuant d’assurer une couverture de la Chine. Radio-Canada et CBC se sont réorientées vers Taiwan, comme la plupart des médias. D’autres, comme le Wall Street Journal, sont partis pour Singapour.