Après l’article, les réactions, parfois agressives. Le cas du journal Charlie Hebdo a, cette semaine encore, rappelé que quand le journalisme dérange, il est exposé aux pressions. Les anciens locaux de l’hebdomadaire ont subi une attaque alors qu’au même moment se tenaient les procès des attentats de janvier 2015 contre ce journal. Afin d’alerter de ces menaces, une centaine de médias français ont signé une lettre ouverte pour défendre leur liberté au pays des droits de l’Homme.  

  

Enquêter ou dénoncer des injustices fait partie du travail des journalistes. À rebours de ces objectifs, des pressions extérieures peuvent porter atteinte à la liberté d’expression. Marjolaine Koch, journaliste collaboratrice à Radio France et membre du collectif d’enquête Extra muros, a subi des pressions après une enquête sur les dérives du coaching « J’ai eu énormément de pressions sur les réseaux sociaux », livre la journaliste. Ses mésaventures ont pris la forme de messages envoyés par des coachs en désaccord avec son travail. « Certains n’ont pas compris que je ne parlais pas de tous les coachs, l’enquête avait un angle spécifique », précise la journaliste d’enquête. Les coachs qui ont contacté la journaliste sont restés dans le cadre de la loi : « Ils ont le droit de ne pas être d’accord. La pression — désagréable — n’était pas de la diffamation. Les coachs ont cette stratégie particulière de ne pas faire d’attaque frontale. »   

Également journaliste et membre du collectif Extra Muros, Juliette Loiseau sent que la pression extérieure impacte son travail de journaliste : « On est un peu plus dans l’autocensure, en se disant que si on parle de tel sujet on va encore se le faire reprocher. D’autant qu’il y a une méfiance envers les journalistes. Il faut plus justifier qu’avant le choix de nos sujets », défend-elle. Juliette Loiseau a reçu des insultes après un reportage à propos des aires d’accueil pour les communautés des Gens du voyage (communautés nomades) en France : « On m’a reproché d’avoir osé parler à des jeunes stigmatisés comme étant des délinquants ». 

 

Contre les attaques, la carapace

 

Pour protéger les journalistes et garantir que leur travail ne déforme pas la réalité, les journalistes peuvent s’appuyer sur leur rédaction : « À Radio France, mon rédacteur en chef est capable de faire tampon. Il connait les sujets et prend soin d’avoir tous les avis contraires avant la parution des enquêtes », soutien Marjolaine Koch. Prendre en compte les opinions contradictoires fait partie du travail des journalistes. Toutefois, les réactions après la parution prennent souvent la forme d’attaques :

« Je ne les vois pas comme des menaces ou des pressions. Je me suis habituée aux réactions sur les réseaux sociaux » relativise Juliette Loiseau.

Elle ajoute que « C’est devenu normal, ça ne me déstabilise pas. Quand je commence une enquête, je sais qu’il y a des gens qui vont considérer que je vais mal faire mon travail ».    

La carapace que se construisent les journalistes pour subir la pression n’est pas la seule barrière aux attaques gratuites : « À la rédaction de Radio France, il y a un médiateur qui reçoit les messages et qui va d’abord s’adresser au rédacteur en chef », assure Marjolaine Koch. « Il y a beaucoup d’étages avant qu’on soit atteint », complète-t-elle. 

 

La culture, parade à la violence  

 

Pour expliquer le travail des journalistes, Juliette Loiseau est à l’origine d’un programme d’éducation aux médias : « On leur apprend comment se construit l’information. Montrer les coulisses permet d’éduquer les plus jeunes », reconnait-elle.

Aussi rédactrice pour la presse jeunesse Le Monde des Ados, Juliette Loiseau espère « qu’à travers ces ateliers, les jeunes lycéens (niveau secondaire) se rendent compte de toutes les questions que les journalistes se posent ». Elle ne veut pas « qu’ils aient cette image de journalistes qui inventent des trucs ». Alors, même si ces jeunes n’ont pas tous vocation à devenir journaliste « ça exerce leur esprit critique, indispensable alors que certains médias sont de plus en plus politisés », convient-elle.