Il y a près d’un an, le journaliste haïtien Romelson Vilcin a été tué après avoir été atteint à la tête par une bombe lacrymogène lancée par la police. L’évènement a mis en lumière la multiplication des violences à l’égard des journalistes et l’insécurité dans laquelle ceux-ci exercent leur profession dans le pays. Un an plus tard, de nombreuses instances de presse continuent de se mobiliser face à ces attaques de plus en plus courantes.
Romelson Vilcin n’est pas le premier ni le dernier à avoir perdu la vie pour des raisons liées à sa profession. En 2022 seulement, sept journalistes ont été tués en Haïti. En lien avec ces évènements, Haïti a été placé sur la liste des pays les plus dangereux pour exercer le métier de journaliste, selon un rapport en date du 28 avril 2023 publié par la SIP, la société Interaméricaine de la Presse.
« Haïti, un pays qui a souffert de l’effondrement total de la loi et de l’ordre depuis de décennies, a été le théâtre de scènes de violence effroyable à l’encontre des journalistes par les forces de sécurité et les groupes armés, en particulier dans la capitale Port-au-Prince », peut-on lire dans le bilan 2022 de la Killed list de la FIJ.
Une profession stigmatisée et vulnérable
Depuis 2018, les intimidations et les attaques violentes contre les journalistes se multiplient à Haïti. La profession est également ciblée par des gangs depuis deux ans où des journalistes sont victimes d’enlèvement ou assassinés en toute impunité. Reporters sans frontières réclame des mesures urgentes pour que les professionnels des médias puissent exercer leur métier en sécurité.
« Il est inimaginable qu’un journaliste soit tué par un agent des forces de l’ordre devant un poste de police alors qu’il demandait la libération d’un confrère détenu pour avoir fait son métier. Les autorités doivent mettre un terme à la violence qui frappe les journalistes dans le pays. Leur inaction et le sentiment d’impunité qui en découle conduit à la multiplication des attaques », déclare Arthur Romeu, le directeur du bureau Amérique latine de Reporters sans frontières.
Le meurtre de Romelson Vilcin n’est pas le seul que RSF pointe du doigt. En janvier 2022, les journalistes Wilguens Louis-Saint (Tele Patriote) et John Welsey Amady (Radio Ecoute FM) ont été pris pour cible par des membres d’un gang lors d’une fusillade à l’extérieur de Port-au-Prince. Le mois suivant, le photojournaliste Maxihen Lazzare (Roi Des Infos) est décédé après avoir reçu une balle alors qu’il couvrait une manifestation organisée par des travailleurs haïtiens. En septembre, Charles Frantzen (FS News) et Tayson Lartigue (Ti Jenn Jounalis) couvraient un évènement de presse dans la Cité Soleil, lorsque des membres de gang criminel ont ouvert le feu sur eux. Francklin Tamar (Radio Solidarité) a été abattu en décembre dans le centre de Port-au-Prince, ce qui fait de lui le septième journaliste à mourir dans des circonstances violentes au cours de l’année 2022.
Pas de soutien des institutions du pays
Les menaces de mort à l’encontre des journalistes, rapportées aux autorités compétentes dépassent rarement le dépôt de plainte et les enquêtes sur les crimes se font rares. De plus, les professionnels des médias ne bénéficient pas de protection de la part du gouvernement.
« L’impunité qui règne dans le pays depuis plusieurs années alimente les violences contre les journalistes. Tant que l’Etat haïtien ne s’attaque pas à ce fléau, les dangers encourus par les membres des médias seront intensifiés », s’alarme le Réseau haïtien pour la promotion des droits humains.
Même si la Constitution haïtienne de 1987 garantit la liberté de presse, les journalistes font face à de nombreux obstacles. La radio est le média prédominant en Haïti avec plus de 700 stations diffusées sur le territoire. Pourtant, seulement la moitié travaille légalement avec une licence du Conatel, l’agence qui réglemente les communications. Les médias privés, très liés aux intérêts de leurs actionnaires, peinent à exprimer leurs points de vue sans autocensure et par peur des représailles.