La Côte d’Ivoire a tenu des élections présidentielles le 31 octobre dernier. Au moment où l’actualité était dominée par les élections américaines, celles tenues en Côte d’Ivoire ont causé des morts et des blessés. Florence Richard, journaliste freelance correspondante en Côte d’Ivoire, notamment pour le quotidien français Libération et le magazine panafricain Jeune Afrique, décrypte pour L’Exemplaire la réélection controversée d’Alassane Dramane Ouattara, .

Élu président de la Côte d’Ivoire pour la première fois aux élections présidentielles de 2010, Ouattara est réélu pour un second mandat en 2015. En mars dernier, à l’approche des élections présidentielles de 2020, le président de la Côte d’Ivoire désigne son premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, comme successeur à la tête du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Cependant, ce dernier décède tragiquement d’un infarctus lors d’un Conseil des ministres le 8 juillet. Ouattara, 78 ans, annonce sa candidature le 6 août et décide de briguer un troisième mandat. Bien que la Constitution de la Côte d’Ivoire prévoit une limite de deux mandats, Ouattara affirme que la nouvelle Constitution, adoptée par référendum en 2016, permet de remettre les compteurs à zéro et l’autorise à se représenter pour un troisième mandat. « C’est à partir de ce moment-là que les premières violences sont apparues contre ce troisième mandat que l’opposition juge anticonstitutionnel et des premiers appels à la désobéissance civile, puis ensuite au boycottage actif du scrutin », mentionne Richard.

En effet, la candidature du président Ouattara provoque le boycottage des deux opposants principaux, soit Henri Konan Bédié du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et Pascal Affi N’Guessan du Front populaire ivoirien (FPI), qui ne font pas campagne pour les élections. Ouattara remporte outrageusement les élections avec un score de 94,27 %. Kouadio Konan Bertin, un candidat indépendant, était le seul opposant à Ouattara sur le bulletin de vote.

Blocus contre l’opposition

À la suite de l’annonce des résultats des élections, l’opposition crée un Conseil National de transition (CNT) dans le but de mettre sur pied un gouvernement de transition présidé par Konan Bédié, le principal opposant du président Ouattara. Afin de contrer le CNT, le gouvernement Ouattara soumet les opposants à des blocus de leur résidence, c’est-à-dire de mettre les résidences sous surveillance policière. De nombreuses arrestations dans le camp des opposants ont lieu, dont une vingtaine d’arrestations contre les proches de Konan Bédié. De plus, Affi N’Guessan est arrêté et incarcéré dans un endroit toujours inconnu. La justice ivoirienne lance des poursuites pour complot contre la sécurité de l’État. Elle les accuse d’être responsables des violences meurtrières en raison de leur campagne de désobéissance civile et d’avoir voulu créer un gouvernement de transition.

Appel au calme dans un pays divisé

Le 11 novembre, Ouattara rencontre publiquement le chef de l’opposition, Konan Bédié, qui était exempté des arrestations en raison de son âge avancé (86 ans). L’objectif de cette rencontre est d’apaiser les tensions dans le pays alors que la violence a causé au moins 85 morts depuis le mois d’août. Pour calmer le jeu, plusieurs blocus sont levés, en plus de libérer plusieurs opposants.  « Depuis, le pays est redevenu calme. Cette rencontre a permis de diminuer de beaucoup les tensions », souligne la journaliste. Par contre, une vingtaine de personnes sont toujours incarcérées.

La candidature de Ouattara et son élection auront causé la division du pays. Les pro-Ouattara se réjouissaient du retour de leur chef, tandis que les partisans des partis d’opposition déploraient cet acte anticonstitutionnel. « Les gens ici ne voulaient qu’une seule chose, c’est que ça soit des élections apaisées et qu’il n’y est pas de violence. Qu’on n’assiste pas à de grands blocus de villes, de la capitale. Que l’activité économique puisse continuer, que les gens puissent aller au travail et continuer à se déplacer », énumère Florence Richard.

Difficile de prédire la suite, mais une chose est certaine : « Personne ne veut revivre la crise de 2010 ayant provoqué plus de 3 200 morts », conclut Florence Richard, en référence à la guerre civile postélectorale des élections présidentielles cette année-là.

Le fonctionnement du système électoral de la Côte d’Ivoire

La Côte d’Ivoire est dirigée par un régime présidentiel élu au terme d’élections multipartites. Le scrutin est uninominal majoritaire à deux tours, c’est-à-dire que pour remporter l’élection au premier tour, il faut plus de 50 % des voix. Si ce n’est pas le cas, un deuxième tour a lieu entre les deux candidats les plus populaires du premier tour. Le gagnant est celui qui remporte le plus de voix. Le président est élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois.