Les élections présidentielles américaines du 3 novembre dernier ont été suivies de près un peu partout dans le monde. Daniel Douek, professeur de politique à l’Université McGill, affirme que le taux de participation historique relève du fait que le résultat affectera les gens au-delà des frontières états-uniennes. Toutefois, ce taux de participation élevé ne reflète pas les votes des électeurs à l’extérieur des États-Unis.
Originaire du Connecticut et installé à Montréal depuis près de 18 ans, Anthony Dupont explique qu’il n’a pas voté à l’élection présidentielle de cette année. Pour lui, les procédures à suivre pour voter en tant que citoyens américains résidant à l’étranger n’étaient pas claires. Toutefois, il exprime qu’il est content de la victoire des démocrates, puisqu’il anticipe un changement positif dans l’image des États-Unis à l’international.
De son côté, Mikaela Maalouf, une citoyenne américaine originaire du Colorado ayant résidé au Québec durant plusieurs années pour ses études, avait choisi de ne pas voter aux dernières élections présidentielles de 2016 lorsqu’elle était installée à Montréal. Selon elle, le processus pour voter en dehors des États-Unis est trop compliqué. De plus, elle croit qu’il arrive trop souvent que les bulletins soient perdus ou que les électeurs aient à envoyer plusieurs demandes pour s’inscrire.
Le Canada est le pays qui abrite le plus gros contingent d’expatrié.e.s états-unien.ne.s éligibles de voter, mais le taux de participation ne dépasse pas le 4.6 %
Selon le Federal voting assistance program des États-Unis, le taux de participation moyen des électeurs américains résidant à l’étranger est de 4%. Ce bas taux relève de trois facteurs principaux : plus d’adresse de résidence aux États-Unis, perte des bulletins et pas d’accès aux lieux de dépôts.
En 2016, Montréal arbitrait une communauté importante d’expatrié.e.s états-unien.ne.s en âge de voter, dépassant même celle de Toronto. Elle figurait également parmi les 10 villes qui accueillent le plus de citoyens états-uniens au monde.
Chacun ses raisons pour voter
Étant de nouveau établie au Colorado pour les élections de 2020, Mikaela Maalouf a voté en faveur du parti démocrate. Se considérant comme une électrice modérée, elle souligne toutefois que le parti républicain avait habituellement sa préférence.
« J’ai des croyances personnelles plus conservatrices, mais socialement je me comporte plus selon les valeurs libérales. » – Mikaela Maalouf
Maalouf explique qu’elle a basculé plus à gauche qu’autre fois pour cette élection, puisqu’elle ne pouvait pas supporter le racisme et l’intolérance de Trump. Elle se dit soulagée de la victoire de Biden, sans pour autant arriver à ignorer son passé et son implication dans les actions militaires menées au Moyen-Orient sous la présidence d’Obama.
La Coloradienne explique que la majorité des membres de son entourage sont conservateurs et ont voté en faveur de Trump surtout par peur de perdre leur droit constitutionnel de posséder une arme : selon elle, la majorité des gens de son entourage ne sont pas d’accord avec les propos tenus par le Président sortant, mais le plan d’action de Biden, en ce qui a trait au contrôle des armes à feu, a poussé certains conservateurs à voter pour Trump malgré tout.
L’image des États-Unis
Mikaela Maalouf, qui est diplômée en Science Politique de l’Université McGill, estime que, du point de vue de la politique internationale, Trump est le pire Président que les États-Unis n’aient jamais élu. Elle juge qu’il a fait des États-Unis la risée de la scène internationale de par son arrogance et ses discours polarisants. Maalouf estime qu’avec le système bipartite, l’attention est tournée vers le leader plutôt que vers les idéologies du parti qu’il représente. Elle souligne également qu’il n’y a pas de place pour des partis tiers aux États-Unis.
« Les débats présidentiels ressemblaient au Comedy Central Roasts et n’avaient aucune substance. » – Mikaela Maalouf
Daniel Douek, professeur spécialisé en politique comparative à l’Université Mcgill, estime, lui aussi, que l’élection de 2020 était un concours de popularité entre un leader pro-démocratie et un leader ayant démontré des tendances autoritaires. Il souligne que, pour le Canada, la victoire de Biden favorisera un renouement des liens avec un allié important.
Douek pense que le fort taux de participation à l’intérieur des États-Unis s’explique par le sentiment de danger pour la démocratie ressenti par les électeurs américains.
« L’ignorance volontaire de la science de Trump, en ce qui concerne la pandémie, sa haine envers les femmes, envers la communauté LGBTQ+, ou encore, envers la diversité culturelle ont motivé les américains à lui préférer un autre candidat. » – Daniel Douek
Pour le professeur, le fonctionnement d’une démocratie saine repose sur la confiance d’une vaste majorité de la population dans le bon fonctionnement de ses institutions. Selon lui, lorsqu’une partie importante de la population commence à douter des institutions, le système démocratique est mis à risque. À son avis, le président Trump misait sur cette baisse de confiance pour rester en place. Cette tactique de division du peuple de Trump pourrait être mise sur pause avec l’arrivée au pouvoir des démocrates, se réjouit Douek. Selon lui, un autre mandat Trump aurait beaucoup trop affaibli les démocraties Nord-Américaine.
Pour Daniel Douek, le rayonnement médiatique des États-Unis et des activités du président sortant a favorisé une hausse de la droite radicale à travers le monde en publicisant le caractère autoritaire de Trump. Il évalue que Trump a bâti sa carrière en politique sur une idéologie basée sur la xénophobie et le racisme.
« C’est absolument capital qu’on évite que ces concepts s’enracinent. » Daniel Douek
Du côté des électeurs, Mikaela Maalouf estime qu’au Colorado, la population était très divisée suite à l’annonce de la victoire démocrate. Elle explique que cet État est habituellement très partagé entre les deux partis, mais que l’annonce a provoqué des réactions contrastées.
« Dans les métropoles, la tendance de vote est plus démocrate alors les gens à Denver ont allumé des feux d’artifices à 9h le matin pour célébrer le résultat, mais dans les banlieues, les gens contestent fortement le résultat. » – Mikaela Maalouf