Face à l’épidémie d’Ebola qui frappe essentiellement l’ouest de l’Afrique, de notre fenêtre occidentale sur cette catastrophe humanitaire, on se désole, mais on reste confus. Le plus étonnant dans notre réaction, nous Occidentaux, est qu’on oublie, dans la foulée, de défendre une « valeur » qu’on se vanterait pourtant d’avoir inventé avec la démocratie : la liberté de presse.

L’état d’urgence décrété, les autorités du Liberia, le pays le plus durement touché jusqu’à présent par la maladie, se donnaient le droit le 14 août dernier d’interrompre subitement toute activité du périodique National Chronicle. La police est entrée dans les locaux du journal et a arrêté nombre de journalistes. Plusieurs d’entre eux ont dit avoir été violentés. La raison invoquée par un porte-parole du service de police sur les ondes de la radio publique : « Le National Chronicle restera fermé parce qu’il a publié un article qui porte atteinte à la sécurité de l’État. ».

Le dossier s’est rendu jusqu’en Cour Suprême du Liberia, laquelle a renversé le 29 septembre la décision du gouvernement de maintenir l’entreprise de presse fermée. (Voir aussi Ebola menace aussi les médias)

Le cas du National Chronicle n’est pas unique. Les gouvernants des cinq pays affectés par l’épidémie (Liberia, Guinée, Sierra Leone, Nigeria et Sénégal) sont pris entre la chèvre et le chou. D’un côté, contrôler le message véhiculé dans les médias pour ne pas affoler les populations et, de l’autre, informer le peuple pour éviter la propagation exponentielle du virus. Le dilemme est inévitable, mais ne justifie en rien quelque atteinte à la liberté de presse.

Être informé est essentiel. Mal informer sa population locale est une décision politique grave. En entrevue avec l’Exemplaire.com, Nancy Radford, spécialiste des communications à l’UNICEF – Québec, expliquait à quel point le gros du travail que l’organisme effectue sur le terrain en est un de sensibilisation, puisque «les gens ne croient même pas que ça existe, l’Ebola». Au Ghana, un des pays les plus susceptibles d’être le prochain touché par la pandémie, la menace n’est pas prise au sérieux, met par ailleurs en lumière le reportage de nos journalistes Louis-Philippe Bourdeau et Camille Carpentier.

Au Québec, les médias, trop occupés à déployer leurs correspondants étrangers et leurs pigistes dans le feu de l’action, ont trop peu réagi aux nombreux épisodes tels que celui du National Chronicle. La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPQJ) a retransmis un communiqué de Reporters sans frontières, mais la nouvelle a été très peu relayée dans les grands médias. Monsieur et madame tout-le-monde sont sans doute bien loin de la catastrophe qui se trame, mais sont capables de comprendre l’importance pour des populations locales d’être bien informées surtout lorsque leur vie est en danger. Que serait-il advenu si, pendant la poussée de grippe H1N1, nous Occidentaux, avions été coupés de tout signal Internet?

À l’ère d’une circulation de l’information ultrarapide et mondiale, l’état des lieux est inquiétant. Les médias d’ici étaient-ils trop occupés à avoir peur ? Poser la question, c’est y répondre.

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