Fidel Castro, qui a rendu l’âme le 25 novembre dernier à l’âge de 90 ans, était une figure polarisante; adulé par certains, détesté par d’autres. Quelle que soit l’opinion que l’on ait à son sujet, le père de la révolution cubaine aura marqué l’histoire du 20e siècle. Quelques jours après l’annonce du décès de l’ancien président Fidel Castro, des «centaines de milliers de Cubains se sont recueillis, émus» à la place de la Révolution à La Havane, relate l’Agence France-Presse. À Miami, en Floride, où vivent plusieurs exilés cubains, «l’annonce de la mort de Fidel Castro a été accueillie dans la liesse par un millier de Cubains», indique aussi l’AFP. Et les Cubains du Québec, comment ont-ils réagit? L’Exemplaire s’est entretenu par voie téléphonique avec certains d’entre eux pour recueillir leurs réactions.

«C’est vraiment dommage», soupire Eligio Baratutes, propriétaire du restaurant Le Varadero à Québec, à propos du décès de l’ancien président cubain. «Il donnait tout ce qu’il pouvait dans sa vie.» Le fait qu’il a vécu jusqu’à «90 ans, c’est déjà beaucoup», dit-il, attristé par le départ d’un «grand homme». Et d’ailleurs, c’est ce qu’une «grande partie de la population de Cuba pense», ajoute le Cubain d’origine qui vit à Québec depuis 2010. Son arrivée ici est liée au fait qu’il est marié à une Québécoise. M. Baratutes déplore que certaines personnes aient fêté le décès de M. Castro. Ils n’étaient «pas capables de faire tomber en vie; maintenant qu’il est mort, ils se lèvent», critique-t-il. Aux yeux du restaurateur, «l’indépendance» de Cuba est l’apport le plus important de l’ancien président à son pays. Les systèmes d’éducation et de santé méritent aussi d’être soulignés, selon lui.

Julio Hong a quitté Cuba pour des raisons économiques et vit au Québec depuis 18 ans maintenant. Il travaille pour le Cirque du Soleil et est danseur indépendant, en plus de présider l’Association Afro-Cubaine de Montréal. «Je n’ai eu aucune réaction. Je n’ai jamais célébré le décès de quelqu’un», dit-il. «La vie continue, et voilà». M. Hong explique qu’il fait partie de la génération d’immigrants ayant quitté après les années 80, laquelle quittait pour des raisons économiques plutôt que politiques. Aux États-Unis, des exilés cubains ont célébré le décès de M. Castro, a rapporté l’AFP. «Ce n’est pas inapproprié», à son avis, «parce que chacun a vécu sa douleur à sa façon», explique-t-il, en mentionnant que certains ont souffert du régime castriste. Le principal héritage laissé par l’ancien président cubain, c’est «la fierté d’être cubain», croit M. Hong. «Avant, on n’avait pas ça.» Selon lui, le décès de Fidel Castro ne changera pas grand-chose au quotidien des Cubains, sachant qu’il avait déjà cédé les rênes du pouvoir depuis huit ans.

Bladimir Laborit est le premier étudiant cubain à être diplômé en science politique à l’Université Laval. Installé à Québec depuis une quinzaine d’années, ce politologue travaille actuellement comme superviseur au Tim Horton’s. À Cuba, où il a grandi, il a notamment œuvré dans l’enseignement et dans le tourisme. Fidel Castro, «pour certains, c’est un héros, pour certains c’est un dictateur»,  observe-t-il, soutenant que chacun a le droit de s’exprimer et de réagir à sa façon à son décès. Si son départ ne changera pas le quotidien des Cubains, l’ancien président restera inscrit dans la «mémoire collective» du peuple, croit M. Laborit. «Fidel Castro est irremplaçable. Il n’y aura pas un autre Fidel Castro.» Son principal héritage a été de redonner «la dignité au peuple cubain». En effet, «Cuba avait besoin d’une révolution dans ce temps-là». Si «le bilan est plutôt positif», selon M. Laborit, citant les réalisations en santé et en éducation en exemple, il y a quand même des éléments négatifs, comme les centres de rééducation pour homosexuels qui existaient à une certaine époque. Aussi, «il a gouverné pendant 50 ans sans opposition politique». En ce moment, le principal défi est celui de l’économie, explique le politologue. Les réformes entamées par Raul Castro en 2010 auraient dû venir bien avant, à son avis.

Association québécoise des amis de Cuba

Pour Michael Walsh, président de l’Association québécoise des amis de Cuba, c’est «un moment de grande tristesse». Lui-même Québécois, il vit dans la république cubaine six mois par année. «C’est une chose qu’on attendait d’une journée à l’autre, compte tenu de son âge, de son état de santé», indique M. Walsh. Néanmoins, c’est comme «avoir perdu un membre de la famille». Fidel Castro «a, durant toute sa vie, consacré ses énergies, son temps, sa santé à son peuple, et aux peuples du tiers monde, aux peuples opprimés des pays pauvres». Son principal legs, selon M. Walsh, c’est celui de la «recherche de justice» et «de la possibilité de créer un monde meilleur aujourd’hui et non dans 100 ans». Non seulement il critique sévèrement les exilés cubains qui ont célébré le décès de l’ancien dirigeant, mais aussi il regrette que la presse leur prête trop d’attention alors que beaucoup de Cubains sont en deuil, souligne-t-il. L’Association québécoise des amis de Cuba vise notamment à promouvoir les valeurs cubaines et à lutter contre la désinformation. Elle compte entre 10 à 20 membres actifs, selon son président.