Initié par l’ex-chef d’État vénézuélien Hugo Chavez, au milieu des années 2000, l’alliance Petrocaribe permet aux pays signataires d’obtenir du pétrole de l’État bolivarien à des conditions préférentielles. Un accord qu’Haïti a rejoint dans l’optique de relancer le pays, mais qui se termine aujourd’hui par un scandale. Focus sur son fonctionnement.

Petrocaribe ou comment faire de la « pétrodiplomatie », version vénézuélienne. « Le fonds Petrocaribe est accordé à plusieurs pays des Caraïbes pour tenter d’apporter un certain contrepoids du Sud aux puissances occidentales », explique le journaliste québécois basé en Haïti, Étienne Côté-Paluck, dans une entrevue à Radio-Canada. L’idée de l’accord est de faire du Venezuela une plateforme pétrolière au service des pays importateurs pauvres des Caraïbes, pour favoriser leur développement tout en s’affranchissant de l’aide occidentale.

Bien qu’elle fasse du bruit aujourd’hui en Haïti, l’alliance ne date pas d’hier. Signée en juin 2005, sous l’impulsion de l’ancien président Hugo Chavez, Petrocaribe a été ratifiée dès ses débuts par treize pays membres, dont Cuba, la Jamaïque et le Nicaragua. Depuis, l’accord de coopération compte dix-sept signataires. Haïti n’a rejoint l’alliance qu’un an plus tard, en mai 2006, sous le gouvernement du président René Préval. Une adhésion logique puisque le Venezuela était déjà le principal fournisseur du marché haïtien.

Cette coopération pétrolière fonctionne sur le principe de conditions de vente préférentielles sur les produits. Pour chaque pays membre de l’accord, le prix du pétrole est fixé selon celui en vigueur sur le marché international. L’État importateur reçoit les produits pétroliers du Venezuela et les revend ensuite à ses compagnies pétrolières locales, pour satisfaire la demande du pays. L’État joue alors le rôle d’intermédiaire. Ainsi, les compagnies pétrolières locales achètent le pétrole, selon la valeur du marché international, au gouvernement, qui récolte ainsi de l’argent. L’État transfère un pourcentage de ce montant d’argent (variant entre 40% et 70%) au Venezuela directement, et conserve le pourcentage restant du montant (entre 60% et 30%), qu’il place dans un fonds. Ce capital doit être réinvesti afin de stimuler le développement du pays et la croissance économique. Puisqu’il s’agit d’un prêt, l’État bénéficiaire de cet accord doit rembourser au Venezuela ce montant sur 25 ans, avec un taux d’intérêt de 1% et deux ans de sursis avant le premier versement.

 

Cette alliance pétrolière est cruciale pour un pays comme Haïti, où l’ensemble du pétrole consommé dans le pays provient à 100% des importations vénézuéliennes, selon des chiffres pour la période de 2011 à 2013 dévoilés par la Banque Scotia. Il s’agit du pays le plus dépendant de cet accord. Parallèlement, le programme de prêt a aussi permis au gouvernement d’obtenir 3.8 milliards de dollars américains.

Lors de l’adhésion du pays à l’alliance Petrocaribe en 2006, un Bureau de Monétisation des Programmes d’Aide au Développement (BMPAD) a été créé, pour gérer l’acquisition des produits pétroliers et administrer le fonds ainsi généré. C’est ce fonds qui, aujourd’hui, est à la source de la crise qui secoue le pays. L’État haïtien avait pourtant identifié des secteurs prioritaires à financer avec l’argent de ce prêt, tels que les infrastructures, les logements, l’agriculture, l’énergie et les programmes sociaux. Mais la population haïtienne ne semble pas avoir perçue de retour sur investissement dans le quotidien de leur pays, si investissement il y a eu.