Pegah Sonboltar d’origine Iranienne vit à Québec depuis sa tendre enfance. Agée aujourd’hui de 39 ans, elle garde toujours un lien affectif avec son pays d’origine et se sent interpellée par la situation vécue par les femmes iraniennes. C’est du moins ce qu’elle exprime à L’Exemplaire dans cette entrevue. 

  • Être une femme iranienne en 2022, cela représente quoi pour vous qui êtes d’origine Iranienne ? 

Aujourd’hui être une femme Irannienne c’est devoir se battre pour ses droits personnels non seulement mais pour qu’ils soient également égaux à ceux des hommes du pays. Il y a encore un grand changement à apporter cependant ce n’est pas si simple et cela engendre des conséquences assez importantes. Étant née et ayant grandi au Canada, je possède un point de vue rétrospectif sur le plan politique avec le gouvernement qui a instauré un régime islamiste depuis 1967 qui persécute la population au lieu de la protéger. Puis je veux avoir un avis prospectif avec la montée de plus en plus de femmes féministes qui prônent et veulent défendre leurs droits mais aussi la sensibilisation des autres pays qui s’intéressent et apportent leur soutien. 

  • On compte seulement 300 000 personnes chrétiennes en Iran sur une population composée à 99% de personnes de confession musulmane. Comment cette  minorité chrétienne vit-elle dans cet environnement ? 

Je suis Iranienne de confession chrétienne, cependant puisque je vis au Québec et que je ne me tiens pas avec la communauté Iranienne en général, cela ne m’affecte pas. Je n’en suis donc pas victime. Je n’aurais très surement pas tenu le même discours si je vivais en Iran entourée d’une forte communauté iranienne. En effet, je ne porte pas le voile, mais cela reste propre à moi et à la culture avec laquelle j’ai grandi.

  • Quelle différence pouvez-vous établir entre une femme iranienne chrétienne et une femme musulmane au niveau des droits qui vont leur être accordés  ?

Je ne peux pas répondre à cette question car selon moi le pays est déjà assez divisé et ce n’est pas ce que les femmes iraniennes cherchent. Elles ne veulent pas l’obligation, elles l’ont connue il y a 100 ans cela n’a pas changé et elles ne veulent pas non plus l’interdiction en 1979 elles ont tenté cela n’a pas changé. Elles veulent le “CHOIX”. Par contre, une chose est certaine, puisque je me suis convertie au Christianisme, je ne pourrai pas aller en Iran sans danger car cela est considéré comme un blasphème.

  • Mahsa Amani, cette jeune étudiante de 22 ans qui est décédée après avoir été interpellée par la brigade des mœurs sur l’indécence de sa tenue : comment avez-vous appris cette nouvelle ? comment avez-réagi ?

Je suis passé par toutes les émotions: colère et tristesse mais aussi je me suis dis que son décès ne sera pas vain. Peut-être que maintenant les choses changeront en Iran. Ce que je trouve paradoxale est que les femmes iraniennes font de longues études et s’instruisent. Elles ont donc une liberté de voir comment le monde évolue, le gouvernement ne condamne pas cela cependant lorsqu’elles décident d’être libres de leur corps, ce que je trouve d’autant plus personnel et normal, elles sont restreintes. 

  • Cette histoire a touché un grand nombre de personnes (civils et personnalités publiques) et un mouvement autour s’est créé : celui de se couper une mèche de cheveux. Que pensez-vous du choix de cette représentation ? 

C’est un début et évidemment ça va prendre beaucoup plus d’actions avant un réel changement. Malheureusement, je pense que c’est devenu une tendance.

  • On compte 162 organisations féministes et de défense des droits humains solidaires des femmes et des manifestants iraniens. Le changement de la condition des femmes peut-il s’établir dans les années à venir ?

C’est une question de ‘’all or nothing”. Il faut que tout le peuple ou du moins la majorité se réunisse ensemble pour combattre ce problème. Ce n’est pas un problème de femmes mais celui d’une société.