Khalid Chyat est professeur de relations internationales à l’université Mohamed 1er à Oujda (Maroc). En entrevue avec L’Exemplaire, il donne un aperçu des relations bilatérales entre les deux pays. Un éclairage qui vient compléter le dossier que nous avons réalisé sur la Turquie.

Exemplaire : Comment évaluez-vous les relations bilatérales entre le Canada et la Turquie considérée comme une puissance économique émergente ?

M. Chyat : Les relations bilatérales existent entre les deux pays mais à un niveau inférieur à ce qu’elles devraient être. Le volume des échanges commerciaux entre le Canada et la Turquie est assez important. Il y a la Turquie d’une part devenue plaque tournante des investissements étrangers et d’autre part, le Canada doté d’un fort potentiel. D’ici les années à venir, la Turquie pourrait sortir des sentiers culturels traditionnels mais peut-être que les facteurs politiques internes joueront également un rôle dans le développement des relations économiques.

Exemplaire : Sur le plan économique, est-ce que la Turquie pourrait jouer le rôle de médiateur entre le Canada et les pays du Moyen-Orient ?

M. Chyat : Il sera difficile pour la Turquie de jouer ce rôle, parce que sa présence n’est pas aussi centrale dans la région et dépend des aspects politiques du moment. Sur la carte du Moyen-Orient, les forces politiques sont reparties entre la Turquie, l’Iran, l’Arabie saoudite ou Israël. Ce qui revient à dire que l’intérêt des Canadiens, c’est surtout la Turquie elle-même, et non pas le Moyen-Orient.

Exemplaire : D’après vous, est-ce que le gouvernement canadien va avoir la même lecture géopolitique en tissant des liens plus solides avec son homologue turc?

M. Chyat : Le Canada devrait aspirer à cela. Je pense que la Turquie jouera des rôles stratégiques tant au niveau politique qu’au niveau économique et retrouvera son rôle militaire dans le cadre de l’alliance atlantique avec le retour de la Russie au Moyen-Orient. Située aux confins de l’Asie et de l’Europe, la Turquie doit être un partenaire potentiellement fort compte tenu de son positionnement stratégique. Il est donc évident de penser que n’importe quel pays espère avoir de bonnes relations avec la Turquie mais les données politiques internes turcs ou canadiennes sont influencées par des tendances nationalistes ou même par des lobbies, ce qui aura un impact significatif sur le succès de tout effort de renforcement de liens.

Exemplaire : Comment le Canada pourrait tirer profit de l’expérience de la Turquie en matière de lutte contre le terrorisme ?

M. Chyat : A mon avis, il n’y a pas de recette spéciale contre le terrorisme que la Turquie pourrait apprendre au Canada. Le terrorisme n’est pas un phénomène mondial unifié, il est variable selon la nature du pays. La coopération en matière de lutte contre le terrorisme entre les deux pays ne doit pas être fondée sur la base qu’il y a des enseignements pour lutter contre le terrorisme. Ensuite, la Turquie souffre beaucoup plus du terrorisme surtout à l’approche des échéances électorales, ceci aura un effet direct sur la position du pays du point de vue diplomatique et donc un effet direct sur le cours des relations entre le Canada et la Turquie.