Hélène Senay est infectiologue au Centre Hospitalier de l’Université Laval (CHUL), à Québec. La spécialiste des maladies infectieuses et immunitaires se montre confiante de la capacité du Québec à réagir face à un virus aussi dangereux qu’Ebola.

Pourquoi le virus Ebola fait-il plus de dégâts aujourd’hui qu’au cours des dernières années ?

Il y a peut-être eu une vingtaine d’éclosions depuis 1976. Aujourd’hui, c’est une épidémie. On parle d’une éclosion quand c’est restreint, et d’épidémie lorsque des milliers de personnes sont infectées, comme à l’heure actuelle. L’épidémie actuelle sévit en raison de deux facteurs : un, elle a commencé dans une capitale, plus peuplée, alors que les éclosions antérieures avaient surtout été rapportées dans des petits villages. L’autre particularité est que c’est la première fois que ça se passe en Afrique de l’Ouest. Les gens dans ce secteur n’ayant jamais été exposés à ce virus, ils n’ont aucune immunité.

Il y a-t-il un traitement disponible pour contrer le virus ?

On pense qu’au cours des prochaines semaines, des prochains mois, il y aura des traitements disponibles. Il y a deux compagnies, à l’heure actuelle, qui ont développé un produit qui contient une combinaison de trois anticorps pour combattre le virus Ebola. Le produit n’est pas commercialisé, mais il a été testé sur six personnes. Donc, on a l’expérience de six cas, dont cinq ont survécu. Et il y a un antiviral, connu depuis 2002, qui est développé par une compagnie japonaise et qui n’a pas été commercialisé à grande échelle. On sait que ce médicament, le "Favipiravir" est probablement efficace contre sept à huit classes de virus, incluant Ebola, en laboratoire. Mais les seules expériences menées sur des êtres vivants l’ont été sur des souris.

Que pensez-vous du marché noir de sang de « guéris » en Afrique de l’Ouest ?

D’un côté oui, on a le potentiel d’accélérer la guérison ou d’augmenter les chances de survie. Par contre, on risque carrément d’injecter un autre virus pouvant lui aussi mener, peut-être pas à court terme, mais à long terme, au décès. On sait que dans ces régions, le VIH est quand même très présent, ainsi que les virus de l’hépatite B et de l’hépatite C.

Trouvez-vous que les mesures de confinement sont pertinentes ?

Quand on n’a pas de traitement accessible, la seule façon de mettre fin à une épidémie le plus rapidement, c’est justement d’avoir un système de surveillance et de confinement des personnes infectées ou potentiellement infectées qui est le plus efficace possible. Je pense qu’à l’heure actuelle, c’est dans cette voie-là qu’il faut mettre de l’argent, parce que ça a des effets immédiats. Alors qu’attendre un antiviral, des anticorps […] on pense que ce sera au mois de novembre, mais d’ici là, il y a le temps d’avoir beaucoup de contamination et de décès.

Est-ce que le Québec est prêt à accueillir des personnes atteintes du virus ?

Depuis la mi-septembre, on peut dire qu’on est prêt. Les cliniques ont la consigne d’envoyer les gens dans les urgences et les urgences ont tout ce qu’il faut. Dès qu’une personne est identifiée [comme atteinte du virus], tout de suite elle est isolée. L’infectiologue, l’infirmière en prévention sont appelés, le patient est évalué, il y a des prises de sang qui sont faites, c’est acheminé au laboratoire de santé publique du Québec, une partie va même à Winnipeg. On a là un algorithme sans fin à partir de l’arrivée du patient au pré triage. [Dernièrement] on a eu des faux cas, cela nous a permis de peaufiner nos trajectoires.

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