Beaucoup de gens disent que le Québec n’a pas d’histoire. Pourtant, on a tous eu des cours d’histoire sur le Québec. Le Québec a toujours difficile a cerné. Un flou l’entoure et des débats font rage. Regard sur la littérature québécoise : Comment est-elle définie ?, Où commence-t-elle ?, Quelle forme prend-t-elle ?, Vers où s’en va-t-elle ?
C’est le temps des Salons du livre au Québec. La littérature québécoise est mise en lumière lors de ces salons. Certains l’adorent, d’autres la détestent. Pourtant, tout le monde à de la difficulté à la définir. Avant de donner son avis, il faudrait peut-être savoir : Qu’est-ce que la littérature québécoise ?
Définition floue
Tout le monde la définit différemment. Tout le monde a de la difficulté à la définir. Comme si un flou flottait autour d’elle. Selon Wikipédia, « La littérature québécoise est l’ensemble des œuvres littéraires écrites par des auteurs et des autrices québécoises. Par extension, elle regroupe toutes les œuvres littéraires produites dans l’actuel territoire du Québec. » Pour le Gouvernement québécois, c’est un « Ensemble des œuvres littéraires écrites par des auteurs québécois. » Faute de consensus, chacun en a une définition plus ou moins personnelle.
Non seulement la définition de la littérature québécoise n’est pas évidente, mais le début de l’histoire de la littérature québécoise ne l’est pas non plus. Jonathan Livernois, professeur de littérature québécoise à l’Université Laval, explique que si on parle d’une institution littéraire québécoise, « d’une sorte de structure », c’est surtout à partir du 18e siècle qu’il y a une sorte de projet. Il y a une volonté de faire une littérature nationale, dans les années 1850.
Néanmoins, la littérature dite « québécoise » naît en fait dans les années 1960. M. Livernois ajoute qu’avant cela, on parlait beaucoup de littérature canadienne-française. Il ajoute qu’en 1965, la revue Parti pris fait paraître un numéro intitulé Pour une littérature québécoise . Cette volonté passe par des oeuvres canoniques comme celles d’Huber Aquin, de Réjean Ducharme, cela passe aussi par la poésie du pays avec Gaston Miron, Gérald Godin. Ils sont nombreux à entrevoir un certain projet, sans que tous partagent les mêmes idées, une sorte d’unité qui se crée dans cette littérature des années 60.
La littérature québécoise vient avec le pays québécois. L’indépendantisme est en vogue à ce moment-là, ce qui explique sa présence dans les oeuvres, mais il faut faire attention de ne pas tout rapporter à cela.
Le professeur de littérature québécoise explique que ce qu’on appelle strictement « littérature québécoise » et qui est largement enseigné dans les universités, c’est une littérature appelée de diffusion restreinte, c’est-à-dire destinée à un lecteur qui s’y connaît. La littérature québécoise s’est diversifiée depuis ces 60 dernières années en y intégrant des sous-genres comme l’horreur, la science-fiction et le fantastique.
« Ça passe par l’institution. Si c’est publié au Québec, c’est québécois. » – Jonathan Livernois.
Il aussi faire attention avec les appellations parce que certains Québécois publient également en France.
Mylène Bédard, professeur de littérature québécoise, à l’Université Laval, explique que ce qui est propre aux petites cultures, comme celle du Québec, par rapport aux cultures colonisatrices, c’est qu’elles sont plus mouvantes, moins stables et donc leurs frontières sont moins définies.
Mme Bédard est chercheuse au Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoise (CRILCQ) et elle raconte que les membres ont voté en assemblée générale pour que la littérature « québécoise » devienne la littérature « au Québec » pour inclure plus de diversité. Pour que l’histoire de la littérature québécoise ne soit plus aussi centrée sur le référent national et plus sur le territoire, de personnes qui publient au Québec, qui sont éditées au Québec, qui s’inscrivent dans l’écosystème québécois.
Comme la littérature québécoise est un objet constamment en mouvement, en redéfinition, les frontières bougent, le corpus bouge, ce qui boque le moindre consensus sur sa définition. Par exemple, pour ceux qui ont écrit sur l’histoire de la littérature au Québec, cette dernière commence avec les écrits de la Nouvelle-France, avec Jacques Cartier, avec Marie de l’Incarnation. Alors que pour l’équipe dans laquelle Mylène Bédard travaille, la vie littéraire au Québec, la littérature québécoise commence en 1764, l’année où la première machine à imprimer est arrivée sur le territoire québécois. Elle explique que pour la première fois, les écrivains écrivent pour un public québécois et non pas pour un public français. Donc, pour certaines personnes, les oeuvres d’avant 1764 ne devraient pas faire partie de la littérature québécoise puisqu’elle n’étaients pas publiées ici et qu’elles n’étaient pas destinées au public d’ici.
Mme Bédard ajoute que les deux lectures se valent, mais que même les origines ne sont pas fiables, elles ne font pas consensus. Le but est de découvrir plusieurs perceptives sans chercher à s’accaparer le corpus, dans l’ensemble de la littérature québécoise.
La professeure de littérature québécoise raconte que pendant longtemps l’histoire littéraire au Québec s’est fondée sur le Grand récit national, « c’était beaucoup des hommes qu’on enseignait, qui avaient écrit le Grand roman national ».
Le cinquième tome du dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec portant sur les années 1970-75 nomme quatre critères qui étaient pris en compte pour la sélection de ce qui faisait partie du corpus québécois. Il fallait deux critères sur quatre pour être considéré comme une oeuvre littéraire québécoise.
Les arts littéraires
La littérature québécoise se développe aussi depuis plusieurs années, en projet multidisciplinaire avec du théâtre, de la musique, des performances, des livres numériques audio, etc. Plusieurs organismes produisent des spectacles collaboratifs entre la littérature et les autres arts, comme les Productions Rhizome à Québec ou diffuse différents arts littéraires comme la Maison de la littérature, à Québec et leur nouveau Salon en ligne. Leur but est non seulement de diffuser, mais aussi de faire découvrir les auteurs québécois et francophones du Canada au Québec et également au reste du monde. Le projet Créer du lien de Rhizome est une des façons pour y parvenir et le Salon de la Maison de la littérature en est une autre.
Rhizome est un « générateur de projets interdisciplinaires dont le cœur est littéraire. » Créé en 2000, Rhizome est parti d’une volonté de perpétuer une tradition, une oralité de la poésie. Une pratique qui était assez forte dans le milieu de la poésie québécoise, surtout depuis la fameuse Nuit de la poésie de 1970, explique Simon Dumas, co-fondateur et directeur général et artistique de Rhizome. « Au départ, l’idée était de faire une soirée poésie, à Québec, en 1999. », mentionne-t-il. Puis, M. Dumas et ses amis ont décidé d’ajouter d’autres médias, tels que de la musique, des images et des courts-métrages.
L’année suivante, les fondateurs de Rhizome ont collaboré avec le programme de multimédia du cégep Lévis-Lauzon. Ils ont projeté des animations 3D, pendant la lecture de poésie. Un journaliste d’Impact campus, le journal de l’Université Laval, a fait une critique de leur soirée en disant que « leur multimédia n’était ni pensé ni apprivoisé. » « À partir de ce moment-là, on a commencé à penser au mode de circulation, entre les médias, les médiums, qui sont doucement devenus des langages de création », explique M. Dumas.
« Ce qui est important pour nous, c’est la recherche de création en art littéraire, à la base. » – Simon Dumas.
Rhizome collabore aussi à l’internationale depuis environ vingt ans avec la France, la Belgique et le Mexique. Ils accueillent des artistes étrangers en résidence et leurs artistes vont en résidence à l’étranger.
La Maison de la littérature est ouverte depuis 2015. « Elle était un projet que la ville de Québec chérissait depuis longtemps. », explique Julie Veillet, la coordonnatrice à la production de la Maison de la littérature. La ville de Québec a donc mandaté l’Institut canadien de Québec pour le projet.
« L’idée de la Maison de la littérature est d’abord et avant tout d’être une bibliothèque. » – Julie Veillet.
La Maison de la littérature fait partie du réseau des 26 bibliothèques de la ville de Québec. Le but est aussi d’être un espace de diffusion de la littérature, principalement québécoise, mais surtout des arts littéraires. C’est-à-dire tout ce qui est de la littérature en dehors du livre, par exemple, de la littérature sur scène ou de la littérature sur d’autres médiums que le livre.
Une des particularités de la Maison de la littérature, c’est qu’ils proposent une programmation annuelle d’activités. Mme Veillet ajoute qu’ils disposent d’une scène au rez-de-chaussée avec 70 à 100 places. La Maison de la littérature organise des spectacles, des conférences, des rencontres avec des auteurs et des autrices, des quiz, des clubs de lecture, des ateliers d’écriture et plein d’activités autour de l’acte de l’écrire.
L’autre volet de la Maison de la littérature est le festival Québec en toutes lettres, qui a lieu tous les ans en octobre. « Avec le festival, on sort un peu de la Maison de la littérature. On va dans l’espace public, on va dans différents lieux de la ville, on a beaucoup de partenariats. », mentionne la coordonnatrice à la production. Le but du festival suit toujours l’idée de diffuser la littérature et les arts littéraires à travers la ville, la province et même à travers le Canada francophone.
La Maison de la littérature a récemment lancé sa plate-forme de diffusion, le Salon.
Vivre de son écriture
Bien qu’il soit difficile de vivre de son écriture au Québec, certains auteurs y parviennent malgré tout. Anne Robillard déclare sortir un peu de la littérature québécoise pour se projeter plus loin. Elle explique qu’elle a toujours écrit du fantastique ce qui explique pourquoi cela lui a pris beaucoup de temps avant de percer.
Elle a commencé à envoyer des manuscrits quand elle était dans la vingtaine, mais elle n’a pas été publié avant ses 48 ans. « Il n’y avait pas de collection de fantastique dans ce temps-là. C’est grâce à Harry Potter, que les éditeurs ont vu qu’il y avait un public pour le fantastique. », ajoute-t-elle. Alors les éditeurs ont commencé à en publier.
« C’était le but de ma vie. Et pour y arriver, ce que je fais c’est que j’écris beaucoup de romans. » – Anne Robillard.
L’autrice dit avoir écrit 90 romans depuis 2002. Elle écrit du fantastique, car elle a passé ses étés avec sa grand-mère irlandaise, qui lui disait de ne pas marcher sur les fleurs parce qu’il y avait peut-être des fées qui s’y cachaient. Les histoires que sa grand-mère lui racontait lui sont restées.
Anne Robillard a commencé à écrire très jeune parce qu’elle racontait des histoires improvisées à ses frères et sœurs. Un jour, sa sœur lui a demandé de lui raconter « l’histoire de la chauve-souris », mais l’autrice ne s’en souvenait plus. Elle s’est donc mise à écrire ses histoires et elle ne s’est jamais arrêtée. Pour elle l’écriture c’est de la magie.
Avant d’être écrivaine à temps plein, Anne Robillard était secrétaire juridique, dans le service de propriété intellectuelle, d’un grand cabinet d’avocat, pendant 27 ans. Cette expérience lui a permis de comprendre comment le monde juridique fonctionne. Aujourd’hui ses échanges avec son avocate ne durent pas longtemps puisqu’elle s’y connaît avec les contrats, avec les options et avec tout le reste. Elle croit que tous les auteurs devraient avoir une base en droit pour éviter les nombreux pièges. Le 23 avril, la journée des droits d’auteur, l’autrice animait toujours une conférence quelque part sur le sujet.
Anne Robillard fait de l’autopublication avec sa sœur Claudia. Elle a repris les droits des Ailes d’Alexane l’an dernier et elles ont refait et republié tous les romans. Elles ont aussi publié à nouveau Anges et cet été, elle reprendra les droits des Chevaliers d’émeraude, qu’elle prévoit de republier également.
« Je suis la preuve qu’on peut se débrouiller, qu’on peut en vivre. Il suffit d’être bien entouré. » – Anne Robillard.
L’autrice a gardé ses contacts avec ses distributeurs et cela l’a bien aidé. Elle a gardé ses contrats avec ebook, l’application de livres numérique. Elle fait aussi affaire avec Audible pour des livres audio. Selon Mme Robillard, le mieux de faire de l’autopublication, c’est de ne plus avoir de restriction, de pouvoir faire ce que l’on veut.
Anne Robillard a aussi un contrat pour distribuer ses livres en Europe, dans les pays francophones. Son prochain but est de publier en anglais, elle a déjà commencé à faire traduire ses romans sur ebook. Elle espère se faire davantage connaître de cette manière et peut-être recevoir des demandes pour adapter ses histoires sur le petit écran.
L’autrice dit être optimiste pour l’avenir de la littérature québécoise. Bien qu’il est difficile de prévoir l’avenir et donc on ne peut savoir où s’en va la littérature québécoise. Néanmoins, certains intervenants du milieu littéraire se sont prêtés au jeu et nous disent comment ils entrevoient l’avenir de la littérature québécoise.