Le phénomène de vote stratégique n’est pas nouveau et ne date pas seulement de quelques années. Il suffit d’observer les différentes dynamiques lors des élections aux États-Unis ou en Europe lorsque deux partis se retrouvent face à face. Par vote stratégique, on entend le fait que le vote de certains électeurs ne serait pas nécessairement motivé par leurs valeurs ou croyances personnelles, mais plutôt en fonction de la personne ou du parti qu’ils ne souhaitent pas voir diriger le pays.
Une pièce de théâtre présentée à la salle Premier Acte et qui s’intitulait «Le vote stratégique» a été présentée du 15 avril au 26 avril dernier. Paul Fruteau de Laclos, acteur

et écrivain de la pièce faisant partie de la troupe de théâtre Hommeries!, affirme que malgré le caractère extrapolé du spectacle et la mise en scène des personnages, il y a une intention dedénoncer le système politique actuel.
En plus d’avoir pour but de divertir le public, un autre objectif de Fruteau de Laclos était de faire réfléchir les spectateurs et de passer un message dans la société. Les personnes qui assistaient à la pièce avaient la possibilité de voter pour l’un ou l’autre des candidats, joués par les acteurs, et de décider du personnage qui allait gagner les élections à la fin de la soirée. Cela rendait chaque représentation unique.
Un autre enjeu soulevé par la pièce est celui d’avoir un vote plus représentatif par rapport à notre mode de scrutin traditionnel. Le système actuel fait en sorte qu’un candidat élu remporte la circonscription à 100% bien qu’il ait pu recevoir moins de votes durant l’élection. Ce fut le cas à plusieurs reprises dans l’élection qui a vu élire Marc Carney, où certaines circonscriptions se sont jouées à des milliers voire des centaines de votes. Cela amène donc un questionnement sur le processus démocratique lié au vote.
Cette question, soulevée par la pièce, n’est pas nouvelle dans la société et ce n’est pas seulement au Canada que cela est remis en question. On parle de cet enjeu depuis 1970 et le gouvernement de Robert Bourassa, avec notamment la pression de l’opposition de René Lévesque à l’époque. Et rien ne semble avoir bougé…
Certaines questions se posent donc quant à la possible mise en place de ce mode de scrutin proportionnel. On pourrait se demander s’il sera mis en place par un parti politique dans les futures années. Cela est directement lié au vote stratégique, puisque si un vote n’est au final pas pris en compte, un électeur pourrait être amené à choisir de voter contre un parti plutôt que de voir son vote considéré comme « inutile ».
Abstention de voter, une dépolitisation?
Une deuxième stratégie de vote utilisée pour dénoncer le système politique est l’abstention électorale. Au Québec comme au Canada, les votes dits «blancs» c’est-à-dire les votes annulés ou les abstentions, ne sont pas comptabilisés dans les résultats finaux.
Il existe un parti politique qui souhaite tout de même enregistrer ces votes blancs et s’exprimer contre le système politique actuel. Renaud Blais, chef du Parti nul, souhaite dénoncer un système qu’il dit « pas véritablement démocratique ». M.Blais affirme notamment que certains électeurs ne font plus confiance aux partis politiques traditionnels pour offrir des solutions à leurs problèmes. Il soutient également que les citoyens doivent être davantage inclus dans la prise de décisions les concernant.
Toujours selon Renaud Blais, une autre solution pour empêcher la dépolitisation dans la société ne serait pas forcément de réformer le mode du scrutin, mais de constituer une assemblée de citoyens tirée au hasard. Selon lui, cela inclurait davantage les citoyens dans le système politique et rendrait l’exercice du pouvoir plus accessible à tous.
Il semble que cette solution manque tout de même de réalisme, puisque les enjeux politiques vont au-delà des intérêts et surtout de la compétence de tous. Comment peut-on prendre des décisions pour une province si l’on ne maîtrise pas entièrement les enjeux et les besoins de la population générale?
Les abstentions ne sont pas reconnus au Québec, ce qui veut dire que cela ne compte pas dans le total des votes récoltés. Cependant, des données ont tout de même été estimées et rendues publiques pour les dernières élections. De plus dans certains pays, les votes blancs sont comptabilisés dans les résultats finaux des élections. Voici une carte qui démontre les différences quant à l’abstention à travers le monde.
En observant la carte, on peut constater que certaines mesures, comme l’obligation de voter et les différents modes de scrutin favorisent la participation électorale. De plus on peut constater que les citoyens des différents pays ne s’abstiennent pas de voter par désintéressement ou par manque de volonté de se rendre aux bureaux de vote, mais plutôt par désaccord envers les systèmes politiques ou le climat démocratique du pays.
Il serait pertinent de faire des simulations de vote avec des modes de scrutin différents ou encore en trouvant des stratégies afin d’augmenter la participation citoyenne. Cela pourrait ainsi permettre d’évaluer les réels motifs qui entraînent l’abstention de voter. Cela donnerait aussi l’occasion de déterminer si, dans ce contexte, le vote contre demeurerait une habitude pour certains électeurs. De prendre exemple sur des pays comme la Suède ou la Belgique pourrait rendre le processus plus démocratique et pourrait réduire la dépolitisation de la société.