Une fois encore, l’indignation s’est mêlée à la tristesse. D’abord, les messages d’émoi. Ceux qui s’adressent aux familles, aux victimes, au peuple français. Et puis, le besoin d’en vouloir à quelqu’un. Au groupe terroriste État Islamique. Au monde entier. Aux médias. A tous ses amis virtuels qui oublient les victimes de Beyrouth… Quelques heures après le début des tragiques évènements de Paris, les réactions fleurissaient déjà sur les réseaux sociaux pour dénoncer le peu d’intérêt accordé aux attaques perpétrées au Liban en comparaison à celui suscité par les attentats dans la capitale française.

Au total, 44 personnes sont décédées dans les attentats suicides perpétrés à Beyrouth le jeudi 12 novembre. Comme pour Paris, l’Etat islamique a revendiqué l’attaque. Mais c’est pour la ville lumière que Facebook a créé une notification « Safety Check », afin de permettre aux Parisiens de rassurer leurs proches en se disant « en sécurité ». Ce sont aux couleurs de la France que les bâtiments du monde se sont illuminés. C’est la Marseillaise qui a été chantée avant des évènements sportifs ou culturels les jours suivants. Pas pour Beyrouth.  

« Eux, ils ont l’habitude. Ils savent se relever »

Mais si beaucoup de Libanais se sont indignés de tout cet intérêt médiatique accordé à Paris en comparaison à Beyrouth, d’autres n’ont pas été tant choqués. C’est le cas d’Audrey, une étudiante de l’Université Laval française d’origine sénégalo-libanaise. Une partie de sa famille vit dans le quartier chrétien de Beyrouth. « Même pour eux, c’était choquant ce qu’il s’est passé à Paris. La meilleure amie de ma maman vit à Beyrouth, elle nous a tout de suite appelés pour voir si nous allions bien. ». A Beyrouth, les attentats sont malheureusement fréquents, les Libanais ne sont plus autant choqués qu’avant lorsqu’ils subissent une attaque. « L’amie de ma mère nous a dit de ne pas nous inquiéter pour elle. Qu’eux, ils avaient l’habitude, qu’ils savaient comment se relever. Mais que pour nous, Français, ça allait être plus compliqué. Elle nous a dit qu’elle priait pour nous ». En ce qui concerne la couverture médiatique de Paris comparée à celle accordée aux attentats de Beyrouth, Audrey se montre compréhensive. «   Ce n’est pas normal, mais c’est habituel. Si on devait mettre en Une des journaux tous les attentats qu’il y a dans le monde, on ne verrait que ça tous les jours. ». Elle adopte la même philosophie pour l’application « Safety Check » de Facebook. « Au Liban, les gens sont en moyenne moins connectés qu’en France. Bien sûr, c’est une grosse généralité que je fais là. Mais globalement, si l’application avait existé pour les attentats de Beyrouth, elle aurait été beaucoup moins utilisée que pour ceux de Paris, je pense ». Mais au fond, ce qui préoccupe l’étudiante de 21 ans ce n’est pas la façon dont on a parlé des attentats de Beyrouth. Aujourd’hui, ses inquiétudes sont pour sa maman, restée en France.   « Là on est en train de faire des plans très sérieux pour voir comment elle pourrait me rejoindre ici à Québec. On redoute une forte montée du FN [Front National, parti d’extrême droite, ndlr] en France après les attentats de Paris… Et de tous les amalgames qui vont avec. Pour ma maman, libanaise, on a peur que lasituation se dégrade. On essaye de faire en sorte qu’elle vienne ici. Au moins jusqu’en 2019, deux ans après les élections, pour voir comment la situation aura évolué… Ma mère n’a pas quitté le Liban pour revivre exactement la même chose en France ». Entre la montée du terrorisme et celle du racisme, la France ne sait donc plus vraiment quel est son pire ennemi aujourd’hui.   « Mais au final, les attentats de Paris ont permis de parler de ceux de Beyrouth… » relativise Audrey. Mais au cours des dernières semaines, les deux villes ne sont pas les seules à avoir été victimes d’attaques terroristes. Cette carte interactive reprend les attentats meurtriers qui se sont déroulés entre le 1er octobre et le 15 novembre 2015. En vert, ceux attribués à Boko Haram, groupe terroriste ayant prêté allégeance au groupe Etat Islamique. En noir, ceux revendiqués ou attribués à l’Etat islamique.