Aux élections fédérales canadiennes de 2021, le Parti vert (PV) a connu ses pires résultats depuis 2004 obtenant seulement 2,3% du vote populaire. Cette performance a été suivie, le 27 septembre dernier, de la démission de sa cheffe, Anamie Paul. Laurent Poliquin, candidat vert dans la circonscription de Saint-Boniface à Winnipeg, estime qu’il y a du travail à faire pour assurer l’avenir de son parti.
Le Parti vert n’avait présenté des candidats que dans 253 des 338 circonscriptions à l’échelle du Canada. Il été dépassé à ce chapitre par le Parti populaire du Canada (PPC) qui a présenté des candidats dans 312 circonscriptions. Même chose au niveau du vote populaire, où le PPC a obtenu 4,9% du vote, soit plus de 400 000 votes de plus au total que le PV.
« Si on ne donne pas une ampleur nationale à une campagne, on ne peut pas reprocher aux médias de ne pas accorder une certaine ampleur aux verts », estime Laurent Poliquin.
Le vote stratégique
« L’idéal serait des changements démocratiques dans la représentation. Si on avait une meilleure représentation, on aurait pu aller chercher [plus de députés] », résume M. Poliquin. Le candidat vert croit que le vote stratégique est un des facteurs qui a influencé le choix des électeurs.
Félix Mathieu, professeur de science politique à l’Université du Manitoba, admet que des changements au mode de scrutin pourraient changer la donne pour les plus petits partis.
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Même si M.Mathieu croit que le Parti vert aurait pu bénéficier des changements dans le mode de scrutin, d’autres facteurs auraient quand même affecté les résultats.
Des luttes intestines
Entrent en ligne de comptent notamment, les tensions. Elles étaient vives à l’intérieur du parti lors de cette campagne, particulièrement entre le conseil fédéral de l’organisation et la cheffe.
Selon Félix Mathieu, c’est en partie à cause de ces disputes internes que le parti a connu des résultats décevants. Ces disputes auraient connu leur paroxysme avec le scandale de Noah Zatsman.
Le bras droit d’Anamie Paul, membre non élu du parti, avait accusé en mai dernier plusieurs politiciens d’antisémitisme sur les réseaux sociaux, dont certains députés verts . « La cheffe a fait l’impensable à ce moment-là. Elle a décidé de ne pas demander à son bras droit de s’excuser et de revenir en arrière », explique le professeur.
« Il faut également comprendre que le Parti vert n’est pas un parti typique dans notre système politique. Il ne répond pas aux mêmes impératifs organisationnels [que les autres] », estime Félix Mathieu
Mathieu décrit le Parti vert comme une structure confédérale plutôt décentralisée. Le fait qu’Anamie Paul ait pris un rôle plus hiérarchique dans la structure du parti était impardonnable pour plusieurs membres du parti, affirme-t-il.
Des candidats qui se sentent laissés pour compte
Les candidats sont aussi conscients de l’effet que l’instabilité au sein du parti a pu avoir sur les résultats. « Nous on est loin de la bisbille de Toronto. On regarde la cheffe et on se dit qu’elle a fait du bon travail. […] Cela étant dit, il faut écouter les électeurs. Ils nous disent ‘’On n’a pas voté pour toi, parce qu’on ne voulait pas voter pour la cheffe’’ », témoigne Laurent Poliquin.
Le Parti vert était également aux prises avec des problèmes financiers. « Ils ont manqué de sous! Ils ont manqué d’argent! […] Ils ont été obligés avant même les élections de mettre des gens à la porte », s’exclame M. Poliquin.
Le Parti vert a en effet dépensé des centaines de milliers de dollars en frais juridiques dans des conflits avec la cheffe Anamie Paul juste avant le déclenchement des élections. Cela laissait moins de marge de manœuvre à l’organisation pour soutenir ses candidats.
Le climat et les autres partis
Certaines positions prises par la cheffe et partagées par plusieurs membres de son parti auraient déplu aux électeurs, notamment au Québec avec les lois 96 et 21. « Je ne crois pas qu’[Anamie Paul] ait marqué des points en disant à Yves-François Blanchet qu’elle allait l’éduquer », estime Félix Mathieu.
Les prises de position par le Parti vert sur des enjeux autres que celui du climat ne datent pas d’hier, ajoute M. Mathieu.« Dans les dernières années, la logique d’intersectionnalité a amené l’idée qu’il est impossible pour le Parti vert de seulement s’occuper du climat », explique-t-il.
Le professeur de l’Université du Manitoba estime que les verts ont été un peu éclipsés par les autres partis en matière d’environnement. « C’était clair que la question environnementale n’était plus une question périphérique. Il fallait qu’on l’adresse dans le cœur des propositions [des partis] ».
Un plan pour la suite
Dans le contexte actuel, Félix Mathieu est d’avis que les partis doivent se centraliser pour espérer remporter le pouvoir. Il explique que plus les partis qui courtisent les mêmes électeurs se rapprochent du centre, plus la porte sera ouverte pour un Parti vert plus radical dans ses positions.
« Probablement qu’il faudra se fâcher davantage, parce qu’il faut que le message passe », dit Laurent Poliquin.
« Ultimement tant mieux si c’est repris par les autres partis! », lance Poliquin. Idéalement, il estime quand même que le Parti vert devrait occuper plus d’espace au Parlement et faire des gains « petit à petit ».