Florian Sauvageau, professeur émérite de l’Université Laval, revient sur la couverture des élections actuelles.

Monsieur Sauvageau a trouvé que c’était une campagne « aux accents américains »… Selon lui, il y a eu beaucoup d’aspects négatifs durant cette période. Les attaques ont été, selon lui, clairement exagérées et venaient de toutes parts ! Les libéraux ont certes lancé quelques invectives, mais les grands champions de la chose ont été les conservateurs. Le professeur Donald Savoie, une autorité en matière électorale au Nouveau-Brunswick, considère d’ailleurs lui aussi que c’est la campagne « la plus sale » en 40 ans.

Il y a quelques jours, le Globe and Mail a sorti que les conservateurs avaient payé une entreprise de relations publiques afin de dénigrer Maxime Bernier, le chef du Parti populaire du Canada, et de taxer ses partisans de racistes. M. Sauvageau ne se souvient pas avoir vécu une campagne durant laquelle on a autant attaqué l’adversaire de manière mesquine. Selon lui, le fait qu’Andrew Scheer refuse de commenter les allégations laisse entendre que le Globe and Mail n’avait peut-être pas tort. Il qualifie cette tactique de « très basse » et déplore également la quantité grandissante de fausses nouvelles sur le web. 

M. Sauvageau se réfère au site internet Buffalo Chronicle, une plateforme qui diffuse de fausses nouvelles sur les candidats et leurs partis : « La quantité de fausses informations qu’on y retrouve est incroyable ! » Le professeur émérite explique que l’éditeur de ce site a déjà été payé pour diffuser de fausses nouvelles aux États-Unis. N’a-t-il pas également été rémunéré pour diffuser des fausses nouvelles sur la campagne électorale canadienne et, le cas échéant, par qui ? Le site en question attaque très durement Justin Trudeau, mais M. Sauvageau se demande néanmoins qui croira ces nouvelles qui « n’ont pas de sens ! »

Sur une touche plus optimiste, M. Sauvageau précise avoir eu des impressions positives de la campagne de Jagmeet Singh et d’Yves-François Blanchet. Il explique que tous deux étaient perçus comme « moribonds » au début de la campagne. 

Il note cependant la remontée spectaculaire de M. Singh dans les derniers jours, grâce notamment aux différents débats. Il en ressort qu’il est le chef le plus charismatique qui a séduit les esprits et a réussi à modifier la vision que les Canadiens avaient de lui. 

Le NPD et le Bloc québécois remporteront, selon lui, suffisamment de sièges (autour de 35 chacun selon ses prévisions) afin d’empêcher l’élection d’un gouvernement majoritaire. Selon le professeur, le matin du 22 octobre, nous nous réveillerons probablement avec un gouvernement libéral minoritaire.

Des débats inégaux

M. Sauvageau croit que les dernières révélations sur les attaques des conservateurs envers Maxime Bernier auront aidé les libéraux à remonter dans les sondages. M. Scheer était d’ailleurs à la baisse dans les dernières prédictions. 

M. Sauvageau observe par ailleurs des différences notables entre les trois débats des chefs. Le premier, à TVA, sous la forme d’un face-à-face est, selon lui, la meilleure forme de débat possible. Il note également que celui-ci aura donné le ton aux difficultés de M. Scheer durant la campagne. Il ne croit pas que ce dernier ait de grandes chances de remporter beaucoup de circonscriptions au Québec.

Les débats de Radio-Canada et CBC, qui avaient plusieurs animateurs et qui impliquaient des interventions du public, partaient selon M. Sauvageau avec de bonnes intentions, mais pas la meilleure manière de procéder. Lorsqu’un seul animateur est présent, comme dans le cas de TVA, il peut se permettre de reformuler des questions, voire d’ajouter des sous-questions. Comme M. Sauvageau le précise, si un chef ne répond pas à la question dans les débats de la SRC, il ne sera pas relancé. Pour M. Sauvageau, il n’y a pas grand intérêt pour le téléspectateur si les chefs peuvent contourner chacune des questions.

Aussi, le professeur critique la trop grande importance accordée aux chefs des partis. Selon lui, la cause principale est le changement en profondeur du journalisme et la course au vedettariat. La couverture médiatique a également eu de nombreuses failles : parler pendant trois jours du « brownface » de Justin Trudeau… n’était pas nécessaire selon lui. L’environnement aurait dû être au cœur de la campagne alors qu’il n’en était rien.

Finalement, les candidats régionaux n’auront pas eu la couverture qu’ils méritaient. M. Sauvageau trouve en effet que les médias focalisent trop sur les chefs de partis au détriment des programmes et de leurs militants.