Le QC History X Tour, c’est une manière différente  d’explorer le passé de la ville de Québec à travers des rues et des lieux moins connus. Aly N’diaye, artiste engagé, en est l’initiateur. Le tour de la ville est axé sur la présence des Noirs et des esclaves en Nouvelle France.

Sur la scène du rap québécois, Aly N’diaye est connu d’abord sous son nom de scène : Webster. Mais il est aussi historien de formation et engagé dans la reconnaissance de l’identité plurielle de Québec. Les recherches sur le sujet, entamées durant ses études au Cégep, lui ont pris une dizaine d’années pour aboutir au montage de cette visite guidée de la ville de Québec, qu’il propose depuis trois ans maintenant  du lundi au dimanche sur réservation.

Le fil rouge du parcours : la présence des esclaves noirs et autochtones dans l’histoire de la Nouvelle France en passant par des lieux principalement situés dans le Vieux Québec.

En suivant pendant près de deux heures le chemin prévu, les participants portent un regard nouveau sur le rôle joué par les esclaves dans l’Histoire de Québec, une part de l’histoire locale qui était jusqu’alors très peu relatée, selon Webster : « Généralement ils viennent vers moi, parce que je suis le seul à faire cette visite guidée ici ».

Retrouvez un aperçu de la visite guidée:

Entrevue et visite quidée du 22 septembre 2018 sous une pluie battante avec Aly N’Diaye « Webster »

Crédits musicaux: Soulville, Ben Webster / Everyday, Webster feat Marieme

Un pan de l’histoire inexploité

Les visiteurs partent à la rencontre de personnages tels que Mathieu Léveillé, esclave acheté en Martinique pour exécuter les condamnés à mort, ou encore le juge Monk qui a libéré en arguant du fait que la Loi ne permettait pas explicitement de disposer des esclaves . Les anciens couvents et écoles catholiques qui furent des lieux d’apprentissage ont par ailleurs  accueilli Olivier Le Jeune, le premier africain esclave et étudiant sur les terres de Québec.

On apprend également que Champlain avait dans son équipage un certain Mathieu da Costa, originaire d’Afrique occidentale, qui servait d’interprète avec les premières nations, en étant trilingue entre français, hollandais et portugais.

Photo

Source: M970.67.7 | Estampe | Vue de l’église et du collège des Jésuites | Richard Short | 1760 | © Musée McCord – présente sur le site officiel du QC History X tour

L’Histoire de Québec est riche de cette présence noire et autochtone. Elle est cependant peu connue. D’après Webster, c’est un sujet qui n’est pas abordé dans le parcours scolaire actuel. « C’est quelque chose que je n’ai jamais vu lors de mes cours que ce soit du primaire à l’universitaire […] ce n’est pas quelque chose qui est vraiment développé.

Pourtant, certains enseignants prennent aujourd’hui l’initiative d’emmener leurs étudiants faire cette visite. C’est le cas d’Éric Ouellette, professeur d’Histoire et des Sciences politiques au Cégep de La Pocatière. Voilà deux ans que ses étudiants participent avec intérêt au Québec History X Tour.

La visite guidée organisée par Webster est surtout fréquentée par des Québécois de Montréal, de Trois-Rivières ou de Québec qui ne sont généralement pas « habitués à visiter leur ville ».

Une autre part importante de la clientèle est composée d’Afro-américains en visite à Québec.

En revanche, en trois ans, les populations immigrées d’origine africaine ont été peu nombreuses à y prendre part, hormis par le biais de quelques organismes communautaires comme le Centre multiethnique ou le centre RIRE.

Jean Yves Ossoro, chargé de la jeunesse à la Confédération panafricaine de Québec et auteur d’une pièce de théâtre intitulée « Travail forcé et exploitation des migrants: nouvelle forme d’esclavage au 21e siècle » présentée à Québec en février dernier dans le cadre du mois de l’Histoire des Noirs, estime que  le QC History X Tour souffre d’un déficit de visibilité auprès des communautés d’origine immigrée.

On peut l’écouter ci-dessous.

En Nouvelle France, esclavage ne rimait pas forcément avec Noirs. La majorité des esclaves dans l’Histoire de la nouvelle France étaient des Amérindiens des Etats-Unis. Selon Webster, les maîtres aimaient paraître en compagnie de leurs esclaves noirs pour souligner leur penchant vers l’exotisme au cours des mondanités : « C’étaient en quelque sorte des animaux de compagnie ».

Contrairement à ce qui se passait aux USA, quelques esclaves au Québec  (probablement moins de 10) sont allés à l’école afin d’avoir le minimum d’éducation. Leur petit nombre et le besoin de communiquer lorsque les esclaves passaient d’un maître hollandais ou anglais à un maître français expliquent cette latitude accordée à un peitit nombre d’entre eux, le risque de révolte étant très faible.

À la fin de la visite guidée, tient ces propos : « Continuons à fouiller l’Histoire, continuons à chercher une histoire plus inclusive, mais surtout, au-delà de se pencher sur le passé, avoir un présent plus inclusif aussi. »