Présentée au Périscope durant le mois de novembre, la pièce Foreman incite à réfléchir aux attentes qu’ont les hommes envers eux-mêmes et à leur rapport à la masculinité en général. Loin d’être unique dans le paysage théâtral québécois, cette remise en question de la représentation des genres se retrouve dans de nombreuses pièces programmées à l’échelle du Québec pour l’année à venir.
Ainsi, Foreman, une pièce écrite par Charles Fournier, met en scène quatre hommes travaillant sur des chantiers de construction. La metteure en scène, Marie-Hélène Gendreau, qui est aussi coordonnatrice du théâtre Périscope souligne que les personnages et leurs propos peuvent choquer certains spectateurs: la pièce met volontairement de l’avant des hommes blancs, hétéros, cisgenres, sacrant à tout bout de champ. Cette représentation permet à l’auditoire de réfléchir sur le comportement masculin, ajoute Mme Gendreau. Elle explique que des hommes en réinsertion sociale ont vu la pièce, «ils sont confrontés à une œuvre qui les fait rire au début et qui leur montre les pièges de la masculinité toxique».
L’auteur Charles Fournier voulait mettre un miroir devant les gens pour qu’ils en tirent leurs propres conclusions concernant les problèmes sociétaux. Même si la pièce s’adresse à tout le monde, il confie qu’elle cible principalement les gens qui ne se rendent pas au théâtre habituellement, puisque ceux qui s’y rendent sont généralement plus au fait des enjeux abordés dans le spectacle.
« J’avais envie de parler aux gars avec qui j’ai travaillé sur les chantiers ou dans les usines, c’est eux que je voulais brasser, puis leurs blondes, les femmes qui les aiment. », ajoute-t-il.
Du côté des spectateurs, la pièce Foreman répond aussi à leur désir de voir des aspects de la masculinité et des rapports homosociaux, soit, les relations entre membres du même sexe. Florent Dubé qui assistait à la pièce se souvient qu’il a traversé des défis similaires à ceux des personnages de la pièce, il y a 35 ou 40 ans. « Je reconnais ces comportements et je suis content d’en être sorti», résume le spectateur. Anne Gauthier, une autre spectatrice a adoré la représentation qui reflète le malaise identitaire entre hommes.
Voici ce que le dramaturge avait à dire sur sa pièce:
Moderniser le théâtre
La programmation 2021-2022 des théâtres au Québec propose de nombreuses pièces dans lesquelles on questionne les rôles préétablis pour les hommes et les femmes. Foreman, Les sorcières de Salem, Ladies night’s – Last call, et Féministe pour homme ne constituent que quelques exemples d’œuvres à l’affiche cette année dans lesquelles les personnages dérogent des attentes sociétales attendues en fonction de leur sexe et naviguent à travers les questions de genres toutes leurs formes.
Marie-Hélène Gendreau observe que, cette saison, un grand espace a été laissé aux œuvres féministes. «On a besoin de s’ouvrir à toutes les réalités et à toutes les identités, donc on le sent vraiment chez les créateurs», partage-t-elle. Selon elle, les artistes veulent évoquer le féminisme et faire des revendications.
«Avant, les rôles principaux étaient nécessairement décernés aux hommes. Maintenant, il y a une tendance à les donner aux femmes, comme dans Les sorcières de Salem», mentionne Marie-Hélène Gendreau. Elle prend pour exemple, remontant quelques années en arrière, le théâtre Périscope qui a présenté la pièce Titus dans laquelle les personnages puissants et méchants, originalement interprétés par des hommes, ont été joués par des femmes. La metteure en scène observe qu’un bon nombre de créatrices aiment créer et raconter les histoires de femmes qui ont un certain pouvoir, que ce soit au niveau politique, social ou personnel. L’important, d’après elle, c’est de voir comment ces femmes réagissent lorsqu’elles ont des privilèges qui sont souvent réservés aux hommes.
Le théâtre permet aussi d’inverser les rôles: «Ce qui fait qu’une oeuvre du répertoire actualise un propos, c’est quand on le met dans la bouche d’un acteur ou d’une actrice qu’on ne verrait pas dire ça», explique Mme Gendreau. Dans de plus en plus de projets, les hommes endossent des passages féminins et les femmes intègrent des morceaux masculins dans leur interprétation. Davantage de projets théâtraux proposent l’utilisation du corps masculin pour s’exprimer, notamment par la danse.
Plusieurs oeuvres existantes d’époque sont aussi revisitées pour être modifiées et améliorées afin de mieux représenter la réalité de la société actuelle. «Je pense que l’adaptation est essentielle, et que c’est de cette manière-là qu’on va pouvoir sortir des textes du répertoire.», confie Mme Gendreau.
La coordonnatrice artistique du théâtre Périscope considère que la représentation des enjeux de genre en art dramatique est un reflet de ce qui se passe dans l’industrie. Par ailleurs, les directions artistiques accordent maintenant beaucoup d’importance à la parité homme-femme. Mme Gendreau explique que pour éviter l’homogénéité, nombreux théâtres s’efforcent de produire des rapports dans lesquels sont documentés les textes à revendication féministe et ceux sur la parité, entre autres.