Réunissant plus de 230 œuvres, la rétrospective d’Evergon, artiste photographe iconique du Canada, a été inaugurée le 20 octobre au Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ). Bernard Lamarche, commissaire de l’exposition et conservateur de l’art actuel au MNBAQ, souhaite faire découvrir l’univers burlesque, autofictionnel et charnel d’Evergon qui demeure, selon lui, peu connu du grand public.

Le MNBAQ présente, au Pavillon Pierre Lassonde, une rétrospective majeure d’Evergon du début de sa carrière en 1971 à aujourd’hui. Figure incontournable de la photographie contemporaine tant au Canada qu’à l’international, Evergon a marqué des générations d’artistes par son exploration technique, sa photographie théâtrale et son militantisme.
Articulée en 10 sections, la rétrospective retrace les esthétiques développées par Evergon. L’exposition s’ouvre sur l’œuvre Ramboy Offering Polaroid of Self Exposed in Hiding (1996), une photographie d’un être mi-homme mi-bélier tendant un polaroïd au visiteur. Inspiré par la mythologie grecque, Evergon en fait une série de photographies remarquée dans les années 1990. Une esthétique sauvage, fantastique et charnelle se dégage de ces photographies.

Au fil des salles, le public découvre les polaroïds géants, les hologrammes et les photocollages de l’artiste. Les références à la peinture italienne et hollandaise s’expriment de manière frontale, mais aussi par l’usage des couleurs et par la composition des images. Parfois baroques et chargées, puis d’autres fois, minimalistes, ses photographies témoignent d’une recherche esthétique étoffée. Malgré ce foisonnement, « on reconnaît la touche Evergon », précise le commissaire de l’exposition. La série Margaret and I clôt la rétrospective. Evergon expose le corps nu et vieillissant de sa mère. Par cette suite de portraits, il rend hommage à sa mère tout en interrogeant la représentation du vieillissement dans l’art.

Bernard Lamarche peine à résumer les 50 ans de carrière d’Evergon, puisqu’il y a « une vitalité difficile à égaler ». L’artiste de 76 ans « a constamment cherché et a beaucoup trouvé ».

Une démarche politique

Très tôt dans sa carrière, Evergon a abordé les questions queer, les droits des personnes gaies ainsi que la diversité corporelle, identitaire et sexuelle. Une part de la production de l’artiste explore la révélation de soi et les fantasmes. Pour Bernard Lamarche, « on est toujours dans l’intimité de l’artiste, mais lui, ce qu’il en fait, c’est construire des fictions, construire du théâtre », d’où l’intitulé Théâtres de l’intime.

Qualifiées d’homoérotiques, plusieurs de ses œuvres mettent en scène la nudité masculine, l’amour et le désir. Une salle est dédiée aux photographies plus sexuellement explicites. Isolée par un voile translucide, celle-ci se détache du parcours initial du visiteur. « C’était important d’encadrer la lecture de ces images-là et de permettre au public de dire : j’y vais ou je n’y vais pas », affirme Bernard Lamarche. Pour Evergon, ses photographies sont des lettres d’amour envoyées à ses maris, à sa mère ainsi qu’au public.

Les impressions sur grand format comme c’est le cas dans la série Cirque a pour visée de confronter le public et de frapper par leur réalisme. (Crédit : Chloé Pouliot)
La série Ramboy : A Bookless Novel propose un récit fictionnel où une communauté d’êtres à mi-chemin entre l’animal et l’homme vivent en promiscuité. La Ramba Mama, l’unique femme de la suite, est incarnée par la mère d’Evergon et fait figure de matriarche. (Crédit : Chloé Pouliot)