Quand la nuit vient, les températures avoisinent les moins 20 degrés depuis une semaine au Québec. Le 20 janvier dernier, une femme sans-abri est décédée dans les rues de Montréal. Dix jours plus tôt, un itinérant de 74 ans a été retrouvé mort dans les mêmes conditions. Éric Boulay, directeur général du refuge Lauberivière à Québec, est très inquiet de voir la nuit emporter les personnes sans domicile fixe qu’il ne peut accueillir, faute de places.
« On est sur une mince couche de glace qui risque de rompre à tout moment », alerte Éric Boulay. Ce matin-là, son café avait un goût amer. Il apprend qu’à Montréal, une femme itinérante est décédée dans la nuit, probablement en raison du froid. Une pensée l’obsède à chaque réveil : « Je croise les doigts pour ne pas lire qu’un sans-abri est mort dans la rue à Québec. »
Le refuge Lauberivière, dont les nouveaux locaux ont été construits en 2019, peut offrir un lit à 101 personnes maximum. Le jour, ils sont entre 300 à 500 à pouvoir rester au chaud dans le centre. Et la pleine capacité est vite atteinte. Mi-janvier, ils ont refusé un lit à 22 itinérants, à qui on propose des « haltes-chaleur » où il est difficile de dormir. Alors Éric Boulay s’inquiète. « Survivre à moins 38 degrés, c’est presque impossible. » En 2020, près de 5 000 individus différents en situation de détresse sont venus trouver de l’aide à Lauberivière. Sur place, on essaye d’absorber la demande, coûte que coûte.
La pandémie et les grands froids rendent la tâche complexe. Avec la fermeture des bars et des restaurants, la plupart des lieux qui permettaient d’aller se réchauffer et de sociabiliser sont maintenant inaccessibles. « Depuis la Covid, on n’est pas en bonne posture. Cumulé à de telles températures, on court à la catastrophe », avertit le directeur général. L’hiver bat son plein et fragilise les plus vulnérables.
À court d’options
Des solutions ? « Si j’en avais un miracle, je le ferais savoir à tout le monde ! », ajoute-t-il. Alors, il lance des pistes. D’abord, le refuge manque de moyens : « Nous n’avons pas les reins assez solides financièrement ». Éric Boulay demande « d’investir davantage dans les services sociaux ». Mais l’argent n’a pas un effet immédiat, selon lui. Il faut du temps pour créer des places, former du personnel et combler le manque de moyens humains.
« C’est essentiel de travailler en amont, et pas seulement quand c’est la détresse », regrette-t-il. Deux décès à Montréal depuis le 10 janvier, le directeur général ne sait pas ce qu’il faut de plus pour qu’une action politique voie le jour. « Il suffit de passer deux heures dehors pour comprendre le danger qu’encourent les sans-abri. Tout le monde le sait, mais on ferme les yeux », résume Éric Boulay.