Depuis l’annonce des élections fédérales à l’automne, trois partis politiques ont pris position sur le sujet de l’avortement. Plus de trente ans après avoir été décriminalisé, le droit à l’avortement est encore remis en question par certains acteurs de la classe politique et de la société civile. Après avoir tenté d’éviter le sujet, le chef conservateur a finalement avoué être personnellement pro-vie.
Depuis le début de la campagne fédérale, le sujet a été abordé par trois partis fédéraux. Après plusieurs déclarations contradictoires venues de ses candidats, le chef du Parti conservateur, Andrey Scheer, a annoncé qu’un gouvernement conservateur ne rouvrirait pas le débat sur l’avortement, mais qu’il laisserait ses députés déposer des motions et des projets de loi sur le sujet. Puis, début octobre, il avouait être pro-vie. La candidate conservatrice dans Louis-Hébert, Marie-Josée Guérette n’a pas donné suite à nos questions.
De son côté, Elizabeth May, chef du Parti vert, a dû réaffirmer qu’elle n’empêcherait pas ses candidats d’ouvrir le débat, bien qu’elle se soit assurée qu’ils soient tous pro-choix. Deux de ceux-ci, dont Macarena Diab de la circonscription de Louis-Hébert, étaient soupçonnés d’avoir eu des sympathies pour le mouvement pro-vie dans le passé. Mme Diab se dit maintenant pro-choix. Le 7 octobre 2019, la chef du parti a expulsé une autre candidate pour ses positions anti-avortement.
Pour sa part, Maxime Bernier, chef du Parti populaire du Canada, a attendu longuement avant de prendre position sur le sujet au cours de la campagne : il souhaite maintenant interdire les avortements lors du troisième trimestre de grossesse si la vie de la mère n’est pas en danger. Son candidat dans la circonscription de Louis-Hébert, Daniel Brisson déclare n’avoir aucune position sur le sujet.
Les autres partis (le Parti libéral du Canada, le Bloc Québécois et le Nouveau Parti démocratique) promettent depuis plusieurs années déjà de protéger le droit à l’avortement et n’ont aucune intention de rouvrir le débat.
Un débat jamais clos
Toutefois, bien que la question du droit à l’avortement revienne à l’avant-scène du débat, ce ne sont pas tous les aspects liés à l’avortement qui font débat. Pour Patrick Taillon, professeur de droit s et libertés de la personne à l’Université Laval, la question revient surtout parce que depuis 1988, « ce qui s’applique [en matière d’avortement] est une liberté plus ou moins illimitée ». Pour l’instant, aucun législateur n’a réussi à encadrer la pratique et ou à réécrire le code criminel .
Un droit fragile
Du point de vue de Mariane Labrecque de la Fédération du Québec pour le planning des naissances , il existe pourtant une réelle fragilité du service d’avortement au Québec qui est lié davantage au manque de ressources qu’à une remise en cause politique. Comme service de santé, les procédures sont soumises aux aléas du système de santé, à ses restructurations administratives et aux compressions budgétaires. Un autre obstacle est le manque de relève dû au fait que l’avortement est peu valorisé dans la formation des médecins et que le faible nombre d’interventions ne justifie pas une pratique à temps plein.
Cette absence de relève explique les bris de services dans certaines régions et les variations dans les délais d’attente en fonction de l’endroit. À Montréal, il s’écoule entre 2 et 3 semaines entre la demande et l’obtention du service et une femme pourra obtenir un avortement en une seule visite. Dans certaines régions, le délai va jusqu’à 5 semaines et elle devra se déplacer 3 ou 4 fois. Pour améliorer le service, la fédération demande un accès à la pilule abortive et à l’avortement chirurgical dans toutes les régions du Québec, un délai d’attente de moins d’une semaine pour un premier rendez-vous et des services d’avortement médical ou chirurgical rendus en deux rendez-vous maximum.
Criminalisé en 1869, l’avortement le resta jusqu’en 1988. Encore aujourd’hui, il est contesté par plusieurs groupes au Canada .Entre 2008 et 2012, des Conservateurs ont proposé plusieurs projets de loi visant à doter de droits les fœtus, faisant craindre un recul des droits reproductifs.