En annonçant une reprise de certaines activités dans les campus depuis le 8 février, la ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann, a indiqué que le retour se ferait graduellement et qu’il se fera différemment dans les zones rouges et oranges. L’objectif avoué de cette reprise progressive des activités en présentielles est d’établir un équilibre entre la « protection de la santé physique et le maintien d’une bonne santé mentale ». Selon des étudiants, la réouverture des établissements d’enseignement supérieur se vit de différentes manières en fonction du lieu où ils sont inscrits.

À Rimouski, il y avait déjà des cours en présentiel à la session d’automne 2020, mais il y en a désormais davantage. De plus, le collège peut maintenant tenir plus d’activités socio-culturelles et de rassemblements, affirme Rémi Grenier, finissant en sciences humaines au Cégep de Rimouski et président de l’Association générale des étudiants du Cégep de Rimouski (AGECR). Selon, lui les programmes à caractère pratique offrent présentement le plus de cours en présentiel. Toutefois, il demeure possible pour les programmes plus théoriques d’en offrir aussi en divisant les groupes en plus petites classes et en alternant d’un groupe à l’autre à chaque semaine, illustre-t-il.

Des mesures sanitaires ont été adoptées afin de limiter la propagation du virus, ajoute-t-il : des stations offrant de masques de procédure et des désinfectants sont installées un peu partout dans l’enceinte de l’école et les étudiants doivent répondre à un questionnaire de santé quotidiennement. De plus, il témoigne que toute personne désirant accéder au Cégep doit scanner sa carte étudiante ou sa carte d’accès à l’entrée. Ce registre, explique celui-ci, permet de garder une trace des allées et venues des personnes et de pouvoir mieux identifier les contacts dans la mesure où un cas de Covid serait suspecté.

« Au Cégep de Rimouski, ce qui est particulier des directives de la Santé publique c’est qu’on peut maintenir nos cours en présentiel tant qu’on a aucun cas de Covid. » – Rémi Grenier

Afin d’assurer un retour en classe sécuritaire, les établissements d’enseignement supérieur doivent implanter des mesures qui favorisent une distance de 1,5 mètre entre les étudiants dans les salles et les classes ne doivent pas excéder 50 % de leur capacité d’accueil, selon les consignes du ministère de l’Enseignement supérieur. (Crédit photo: Mélissa Gaudreault)

Selon le président de l’AGECR, les cours à distance ont eu un impact négatif sur le moral des étudiants, sur leurs résultats scolaires ainsi que sur les taux de présence aux cours. Pour lui, la pandémie a exacerbé le fossé entre deux groupes d’étudiants qui existaient déjà avant la pandémie : les étudiants forts et ceux qui étaient déjà en situation de difficulté. Depuis le début de la pandémie, « les forts augmentent leurs notes, les faibles restent faibles ou empirent et les moyens rejoignent l’un ou l’autre des groupes, mais plus souvent la classe faible », déplore Rémi Grenier. Il avance que les étudiants veulent retourner en classe et qu’ainsi le taux de présence en classe est élevé. 

Pour lui, les cours donnés en classe permettent aux étudiants d’être plus motivés, concentrés, de socialiser et facilitent les travaux d’équipe contrairement aux cours à distance. 

« L’attention durant les cours à distance est moins bonne, car l’environnement est plus stimulant qu’en présentiel, c’est beaucoup plus facile de procrastiner et beaucoup plus dur de se concentrer. » – Rémi Grenier

Pas de retour immédiat envisagé pour des programmes de cycles supérieurs à Montréal

Pour ce qui en est de Chloé Champoux-Rhéaume, étudiante à la Maîtrise en communication à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), le retour en classe n’est pas envisageable d’ici la complétion de son programme. Alors qu’elle est à l’étape de rédiger son mémoire, l’étudiante affirme que son dernier cours magistral n’offre pas la possibilité d’y assister en présentiel puisqu’il s’agit d’un séminaire d’une dizaine d’étudiants. Selon elle, il ne semble pas pertinent de déplacer, en présentiel, les plus petites classes universitaires, car l’enseignement à ce niveau se déroule bien à distance et est efficace en petit groupe. Elle affirme que même si elle souhaiterait retourner sur les bancs d’écoles une dernière fois, pour elle, les mesures de retour à l’enseignement en présentiel s’appliquent difficilement aux étudiants de 2e et 3e cycle universitaire, puisque les étudiants n’habitent pas tous à proximité de l’établissement et sont assez indépendants pour compléter une troisième session à distance.

Résidant et étudiant dans une zone rouge, Chloé Champoux-Rhéaume confie n’être allée sur le campus de l’UQAM qu’à deux occasions depuis mars 2020. Elle n’envisage y retourner qu’une dernière fois avant la fin de son programme, pour la présentation de son travail final.

La santé mentale affectée dans toutes les zones

Vincent Gosselin Boucher, étudiant au doctorat en psychologie à l’Université du Québec à Montréal a collaboré à l’étude ICARE menée en 2020 qui aborde les effets de la pandémie sur la société. Selon cette étude menée auprès de jeunes de 18 à 25 ans, 3% des étudiants de cet âge suivent leurs cours en personne, 28% les suivent en mode comodal (en présentiel ou en ligne au choix de l’étudiant), 68% sont seulement en ligne et 1% des jeunes ont arrêté leurs études ou ne sont plus à l’école.

Ce premier coup de sonde a permis de faire ressortir plusieurs points positifs et négatifs de la pandémie sur la santé des jeunes, explique Monsieur Gosselin Boucher. Parmi les avantages enregistrés se trouve l’importante volonté des étudiants à retourner en classe pour socialiser. Toutefois, l’étude démontre que le retour à l’enseignement en présentiel ne favorise pas nécessairement une meilleure santé mentale.

D’un point de vue global, les impacts de la Covid sur la santé mentale des étudiants, au courant de la dernière année, se traduisent comme suit :

  • 40% des jeunes se sentent anxieux;
  • 32% plus déprimés;
  • 35% plus isolés ou seuls;
  • 28% plus frustrés ou irritables.

Vincent Gosselin Boucher précise que la détresse psychologique est plus élevée chez les jeunes et chez les femmes que pour les autres groupes d’âge ou pour les hommes. Il ajoute que les jeunes de moins de 25 ans ont rencontré plus de conflits avec les membres de leur famille et plus de difficultés dans leurs relations interpersonnelles en général. Le taux de perte d’emploi ou d’horaires de travail réduits en raison de la pandémie est également plus élevé chez ce groupe d’âge, ce qui entraîne des difficultés financières qui peuvent causer davantage de détresse psychologique chez les jeunes, explique-t-il.