Depuis la mort de Joyce Echaquan le 28 septembre dernier, le débat sur le racisme systémique est relancé au Québec. Ricardo Gustave est chargé de projets pour l’organisme Paroles d’excluEs. Il doute que le gouvernement Legault soit pourvu d’une réelle volonté de régler les problèmes de racisme.

Le premier ministre Legault a offert des excuses officielles à la famille et à la communauté de Joyce Echaquan. La mort de la jeune femme est survenue à l’hôpital de Joliette fin septembre. Quelques minutes avant son décès, la jeune femme est parvenue à sortir son téléphone cellulaire. Elle a enregistré ses conditions d’hospitalisation déplorables ainsi que les insultes racistes des infirmières. Cette vidéo a ébranlé tout le Québec.

Mais les excuses ne suffisent pas. Rapidement, le conseil des Atikamekws de Manawan a fait savoir que le premier ministre n’était pas autorisé à assister aux funérailles. Le premier ministre en avait pourtant fait personnellement la demande. La communauté explique ce refus par la position de M. Legault qui nie l’existence de racisme « systémique » au Québec. Elle invite par ailleurs le premier ministre « à revoir sa position ».

« Un problème avoué, c’est un problème à moitié réglé », affirme Ricardo Gustave. Ce doctorant en sociologie à l’UQAM est chargé de projets pour Paroles d’excluEs. Cet organisme à but non lucratif (OBNL) lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale par la mobilisation citoyenne et la prise de parole.

« Si on ne pose pas bien le problème, on ne peut pas trouver une solution adéquate », explique Ricardo. Selon lui, la mort de Mme Echaquan s’inscrit clairement dans une situation de racisme systémique. Il appuie cette affirmation sur le rapport de la Commission Viens publié il y a un an. Cette commission d’enquête devait faire la lumière sur le racisme systémique au Québec. Elle avait soulevé l’existence de discrimination régulière à l’hôpital de Joliette.

Au cours des derniers jours, plusieurs membres de la nation atikamekw ont publiquement affirmé avoir vécu des problèmes avec les services de cet hôpital. Pourtant, le maire de Joliette a affirmé à plusieurs quotidiens québécois ne jamais avoir eu connaissance de telles situations.

Refus de dialogue

Pour Ricardo, les gens qui refusent de reconnaître le racisme affichent une fermeture d’esprit face à la discussion. « Il y a deux blocs opposés qui s’affrontent, un qui dit que ça existe, l’autre qui dit que ça n’existe pas », explique-t-il. Pas de position située au milieu, pas de nuances dans le débat. Selon lui, cette dynamique pollue le débat qui a lieu dans les médias et dans l’espace public.

C’est aussi ce qui causerait selon lui un glissement de sens constant dans le débat. « Les gens qui refusent de reconnaître le racisme systémique vont dire : tous les Québécois ne sont pas racistes. Mais la question n’est pas là ! », clame Ricardo. Le premier ministre Legault participerait ainsi à cette dynamique négative. Il a récemment déclaré que parler de racisme systémique revient à entrer dans une « guerre de mots ».

François Legault a déclaré vouloir appliquer rapidement plusieurs recommandations produites par la commission Viens. Pour Ricardo cependant, les intentions du gouvernement ne sont que de simples mots pour l’instant. Il déplore qu’une mort tragique ait dû survenir pour que le gouvernement commence à parler d’action. Concrètement, rien n’a été fait un an après la publication des recommandations.

La mort de Joyce Echaquan a secoué tout le Québec. Des manifestations ont eu lieu un peu partout à travers le Canada depuis son décès le 28 septembre dernier. (Crédit photo : Associated Press)