La population universitaire de Québec s’était donné rendez-vous aux Jardins de l’Hôtel de Ville le 15 mars dernier pour ce qui devait être la plus grande manifestation pour le climat vue à Québec. En tout, ils ont été quelques milliers de jeunes et moins jeunes à parcourir les rues de la capitale pour dénoncer l’inaction des gouvernements dans la lutte au réchauffement climatique. Ces manifestants demandaient que de sérieuses mesures soient adoptées concernant les émissions de gaz à effet de serre (GES).

Les manifestations étaient organisées à travers le Québec par le groupe La planète s’invite à l’Université. Ces manifestations s’inséraient dans un mouvement mondial qui s’est amorcé en Europe par une jeune Suédoise, Greta Thunberg, qui a invité les jeunes du monde entier à sécher leurs cours le 15 mars pour forcer les gouvernements à respecter leurs engagements relatif à la diminution des émissions de GES selon les objectifs de l’Accord de Paris.

Membre du comité organisateur de la manifestation de Québec et porte-parole de La planète s’invite à l’Université, Noah Rouyère fait valoir que les mesures qui seront mises en place devront aborder une vision plus globale de l’impact humain sur le réchauffement climatique. « Il faut penser comment toutes les sphères de la société participent aux émissions et comment la population voit son rapport à la nature. Est-ce que c’est un objet exploitable duquel on peut extraire toutes les ressources comme on le veut ou c’est justement notre milieu de vie dont notre qualité de vie est dépendante? » s’interroge Noah Rouyère, étudiant au baccalauréat intégré en environnements naturels et aménagés de l’Université Laval.

Dans l’extrait suivant, Noah Rouyère explique les objectifs du mouvement, dont un passage aux actions immédiat de la part des gouvernements. Il est accompagné de Juan Poirot, un élève de deuxième secondaire, qui est venu manifester en compagnie d’une centaine de camarades de l’école Joseph-François-Perrault.

Malgré que les initiatives actuelles se veulent un pas dans la bonne direction, le porte-parole croit qu’elles ne sont pas encore satisfaisantes. « Les initiatives ne sont pas suffisantes, parce qu’en ce moment on est en augmentation des émissions de gaz à effet de serre et non en réduction, remarque M Rouyère. Si notre but est de réduire de 50 % d’ici 2030 et de 100 % d’ici 2050, il va en falloir beaucoup plus. »

« Les cibles données par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) visent à empêcher un réchauffement climatique de plus de 1,5 degré Celcius. Si le réchauffement devait monter à deux degrés, les conséquences seraient beaucoup plus radicales », renchérit Noah Rouyère. Parmi ces conséquences, il cite la perturbation des écosystèmes, l’augmentation du niveau des océans, l’extinction d’espèces animales et l’augmentation des grandes vagues de froid en conséquence de la modification des vortex polaires.

En attente des premiers engagements

 Dans son premier budget,  dévoilé le 21 mars 2019 dernier, la CAQ y a exposé sa vision pour la prochaine année sur la culture, la santé, l’éducation, l’environnement et autres. Comme de fait, les questions d’environnement sont de dernier ressors. On retrouve quelques information via leur plateforme électorale, , quant aux mesures qu’ils désirent adopter en matière d’environnement.

« Les engagements de la CAQ lors de la dernière campagne électorale envers les politiques environnementales n’étaient pas très élevés. Ces derniers ont rarement abordé le sujet [en campagne] », fait valoir Julie Gingras, sous-ministre adjointe au ministère des Finances et responsable des dossiers d’environnement. Cependant, depuis son entrée au pouvoir, le premier ministre François Legault a fait savoir, sur la plateforme électorale, qu’il s’agissait d’un dossier important et qu’il voulait réévaluer le plan d’action 2013-2020, qui est le principal outil du Québec en matière de lutte contre les changements climatiques, pour savoir s’il est à niveau et le réajuster avec la situation actuelle.

De plus, le gouvernement de la CAQ n’est pas resté statique en ce qui a trait aux problèmes de l’environnement depuis son élection. L’une des premières mesures concrètes a été d’assurer le financement et de bonifier le programme « Roulez électrique », qui propose d’importants rabais à l’achat d’automobiles électriques.

Le gouvernement a aussi annoncé qu’il considérait important d’aider les entreprises à réduire leurs émissions en gaz à effet de serre et encourager le marché du carbone du Québec. « En considérant que nos entreprises font face à une compétition à l’international, la CAQ a voulu accompagner les entreprises québécoises dans leur croissance et un contexte environnementalement [sic] sobre. Cela représente l’importante dualité entre le développement économique et la protection de l’environnement », ajoute Mme Gingras.

Des mesures adoptées par les gouvernements précédents, comme les crédits carbone, seront réévaluées par l’administration caquiste afin de les mettre à jour. « Le principal défi auquel fait face le gouvernement actuel est d’arrimer et faire le point sur les mesures des gouvernements précédents avec le marché du carbone et les revenus des fonds verts pour financer les mesures des changements climatiques », explique Julie Gingras.

Les pancartes aux slogans originaux étaient nombreuses lors de cette manifestation.
Crédit photo : Charles-Antoine Sirois

Un gouvernement discret

« Le gouvernement de la CAQ a de bonnes intentions face aux politiques environnementales actuelles », croit Jean Mercier, professeur en science politique à l’Université Laval et expert en politiques environnementales et GES. Par contre, le gouvernement actuel prend la majorité de ses décisions en faveur du développement économique du Québec en mettant de côté l’aspect environnemental selon M. Mercier.

Le transport au Québec constitue près de 40 % des GES, soit un important poids dans l’empreinte écologique nationale. « La faiblesse du gouvernement actuel se situe au niveau du transport, et pourtant, on ne ressent pas qu’il s’agit d’une priorité pour la CAQ », rapporte M. Mercier.

Selon l’Accord de Paris, le Canada a démontré beaucoup d’habiletés diplomatiques et de bonnes intentions face aux politiques environnementales. « Lorsque vient le moment de prendre des décisions difficiles, tel que sur le pétrole de l’Ouest, le Canada a de la misère à faire bonne figure comme un leader sur l’aspect environnemental. Il y a donc un écart entre la parole et les actions », constate Jean Mercier.

En ce qui concerne les mesures prises par le gouvernement actuel, ce dernier a promis d’importants incitatifs pour la fabrication et distribution d’automobiles électriques. Selon M. Mercier, il s’agirait là d’une réponse classique et de l’option facile. « Les partis qui hésitent à s’engager dans les changements de mode de vie vont souvent se rabattre sur la technique. Alors la CAQ, qui est le champion du développement économique sans restriction, va dans le même sens », ajoute le professeur universitaire.

Plusieurs étudiants se sont mobilisés avec leur groupe d’amis pour appuyer le mouvement.
Crédit photo : Charles-Antoine Sirois

« Ainsi, c’est une réponse classique d’un parti qui ne priorise pas les problèmes environnementaux. On est sûrement en face d’un des partis qui se préoccupent le moins de l’environnement de tous les partis au Québec », affirme Jean Mercier.

Le transport et l’aménagement urbain semblent être les principaux défis au Québec pour lutter contre les GES. Il faut réduire les transports quotidiens entre le centre-ville et la banlieue, ce sont eux qui ont le plus gros poids dans l’empreinte écologique du Québec.