QUÉBEC — Alors que sa relève se fait rare avec seulement 1 agriculteur sur trois de moins de 35 ans et que le prix des terres en culture vient de connaître une hausse de 34%, le monde agricole  s’inquiète et cherche des solutions pour corriger cette situation.

Pour Yourianne Plante, coordonnatrice interrégionale à la Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ), l’emballement du prix des terres agricoles est le défi de l’heure. «C’est un phénomène qui doit être compris et maîtrisé si on souhaite assurer la relève agricole», souligne-t-elle. «À la Fédération, nous sommes pour la création d’une Société d’aménagement et développement agricole du Québec (SADAQ), afin d’avoir un portrait exact de la situation», précise-t-elle.

Selon le rapport de la FRAQ, Vers une politique établissement et retrait en agriculture, une SADAQ permettrait également de «surveiller et éventuellement de limiter la spéculation sur le prix des terres, de favoriser les projets d’établissement et de consolidation agricoles, de créer des liens entre les cédants sans relève et la relève sans ferme ainsi que d’encadrer la location des terres». Par ailleurs, même «s’il est actuellement tabou d’en parler, certains agriculteurs (qui alimentent la surenchère) doivent comprendre qu’il sont eux-mêmes en grande partie responsable de cet emballement du foncier»Cela doit aussi faire partie de la discussion», souligne Mme Plante.

Mais pour la FRAQ, la SADAQ doit aussi s’inscrire dans une politique plus large d’établissement et de retrait pour pallier aux lacunes de la récente Politique de souveraineté alimentaire du Québec et assurer la pérennité du modèle agricole Québécois. En plus de faciliter l’accès à la terre, l’autre élément clé de cette politique devrait être, selon l’organisme, d’accompagner les cédants, afin de favoriser le transfert d’une ferme au lieu de son démantèlement.

Le ministre de l’Agriculture, des Pêches et de l’Alimentation du Québec, M. François Gendron, a admis, pour sa part, que la Politique de souveraineté alimentaire du Québec est perfectible. Questionné sur ce qui devrait être amélioré, en marge de la conférence de presse de lancement du 39e Salon de l’agriculture, de l’alimentation et de la consommation tenu à Québec à la mi-janvier, le ministre a indiqué qu’il verrait à l’usage. «On (a) une table de concertation de 22 intervenants spécialisés dans le secteur ; transformation, production, agriculteurs, monde municipal, Équiterre, les jeunes, la relève, alors moi ça me tente pas du tout de commencer à dire que dans 5 semaines ça va être A ou que dans six semaines ça va être B», a-t-il lancé. «J’ai une politique, elle a été bien reçue, j’en suis très fier, on chemine avec et on apportera les correctifs au fil du temps», a-t-il complété.

Des initiatives inspirantes dans l’agriculture de proximité

Pendant que la grande et la moyenne agriculture cherchent des moyens d’éviter le démantèlement des fermes au profit de la relève, on assiste à plusieurs initiatives de démarrage dans la plus petite agriculture, dite de proximité.

Selon Marie-Paule Robichaud Villettaz, du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, la formule coopérative est de plus en plus populaire chez les jeunes agriculteurs. Ce modèle permet, en plus de combiner les fonds de démarrage, «de répartir le travail selon les forces de chacun des membres, ce qui réduit du même souffle le risque d’isolement», explique-t-elle. «Par ailleurs, les coopératives ont une plus grande durée de vie que les entreprises traditionnelles, comme le démontre une étude menée par le gouvernement du Québec», ajoute-t-elle.

Mme Robichaud Villettaz souligne aussi l’émergence d’initiatives comme Banque de terres, un projet de la MRC de Brome-Missisquoi qui permet de jumeler des aspirants agriculteurs et des propriétaires fonciers souhaitant mettre en valeur leurs terres, ou encore Protec-terre, un organisme à but non lucratif qui promeut l’utilisation de la fiducie foncière pour assurer la relève agricole.

Malgré certains succès, il n’en demeure pas moins, selon Mme Robichaud Villettaz, que la relève a de moins en moins accès au capital agricole et que c’est cette situation qui inquiète le monde agricole. La question demeure donc entière : qui sera propriétaire de la terre demain, si ce n’est pas la relève ?