Avec les allègements sanitaires annoncés dans les dernières semaines tant sur le plan provincial que fédéral, l’industrie du voyage au Québec tente de « revenir à la normale ». Après deux ans de pandémie, comment se porte-t-elle vraiment ?
Le 15 février dernier, le gouvernement fédéral annonçait l’assouplissement des mesures aux frontières canadiennes. Entre autres actions, le Canada a levé la recommandation d’éviter les voyages à des fins non essentielles.
L’Aéroport international Jean-Lesage de Québec (YQB) accueille ces assouplissements avec enthousiasme. « On est assez sûrs que ça va faire remonter l’achalandage dans les prochaines semaines, dans les prochains mois et même pour la saison estivale », indique Laurianne Lapierre, directrice des communications à YQB.
Cependant, d’ici le retour à la rentabilité, prévu dans environ cinq ans, l’Aéroport de Québec estime les pertes à 100 millions de dollars. Tant que le niveau de trafic ne sera pas suffisant pour couvrir les frais, des pertes financières « année après année », explique Mme Lapierre.

Pour diversifier ses revenus et atteindre le niveau de rentabilité le plus rapidement possible, l’Aéroport de Québec a mis en place un plan de relance. Il inclut par exemple la location de terrains sur le site, l’élargissement de la clientèle en provenance des régions éloignées et la diversification de l’offre de restauration. « Il y a plusieurs actions qui sont prises en même temps, le but étant de retrouver la rentabilité le plus rapidement possible », souligne-t-elle.
Les compagnies aériennes installées à l’Aéroport de Québec remarquent une augmentation des réservations. Chez Sunwing, la directrice marketing senior, Marie-Josée Carrière, considère que l’annonce récente du gouvernement fédéral y est pour quelque chose.
« nous constatons désormais une forte augmentation des réservations de dernière minute , notamment pendant la semaine de relâche en mars », — Marie-Josée Carrière.
De son côté, Air Transat remarque un retour significatif « de l’envie de voyager » et une hausse de sa demande globale, dont celle au départ de Québec. La compagnie a ajusté son offre en conséquence de la demande : « Dès avril, nous offrirons également des vols directs vers Paris; jusqu’à 3 par semaine au plus fort de la saison. Finalement, dès le 11 mai, nous proposerons en exclusivité un service sans escale entre la Ville de Québec et Londres », explique Marie-Christine Pouliot, conseillère principale relations publiques et marketing chez Transat.
Une reprise qui sert les salariés
La pandémie de COVID-19 a affecté la demande de transport aérien. La baisse de voyageurs, estimée à 70 % pour l’Aéroport Jean-Lesage de Québec, est un exemple concret de cette baisse de fréquentation. L’arrêt quasi total des voyages, les fermetures de frontières, les restrictions sanitaires ont entraîné des licenciements ou des mises à pied. À Québec, environ 30 % des salariés de l’aéroport ont dû être licenciés en raison de ces restrictions, mais aussi du manque de demande. D’autres licenciements ont également eu lieu comme ceux d’Air Canada qui a supprimé environ 1 900 emplois ou encore pour Air Transat où la totalité des agents de bord ont été suspendus.
Dans un rapport publié en juin 2021, la Chambre des Communes a émis des recommandations pour limiter l’impact de la pandémie sur le secteur du transport aérien. Dans ce rapport, une grande partie des réflexions vise à préserver l’emploi dans le secteur. Il stipule que « toute aide financière soit liée directement à la protection des emplois et à la réembauche des travailleurs ».
Pour Dominic Levasseur, président du syndicat des agents de bord d’Air Transat, « les aides ont été utilisées dans ce sens ». En effet, la SSUC (fonds de soutien aux salaires et à l’embauche) ou encore le PSAR (programme de soutien aux aéroports régionaux) ont permis d’apporter un salaire fixe aux employés contraints de rester chez eux.
Ces programmes d’aides vont prendre fin en mars 2022 pour la PSAR et début mai pour la SSUC. L’arrêt de ces fonds d’aide est le signe d’une amélioration dans la situation aéroportuaire. En effet, pour M. Levasseur le retour à la normale se fait ressentir « aujourd’hui, les opérations recommencent et environ 500 PNC (personnel navigant commercial – NDR) sont actifs sur les 1928 employés ». Malgré tout, ce chiffre reste pour lui assez bas : « avant la pandémie, la compagnie était en embauche et en croissance », déclare le président du syndicat.
Un retour à la normale ?
Les restrictions sanitaires ont très fortement impacté les domaines de l’aviation et du tourisme. Les annonces gouvernementales du 15 février sont vues comme un moyen de faire redémarrer l’industrie et donc les emplois. Les tests à l’arrivée étaient fortement critiqués par le syndicat d’Air Transat, mais aussi par la Chambre de commerce métropolitain et d’autres compagnies : « Des sommes ont été données pour faire des tests à l’arrivée dont l’efficacité n’était pas prouvée ». L’argent alloué aux tests devrait, pour Dominic Levasseur et les contestataires « être dirigé vers les endroits qui en ont le plus besoin ». Il se félicite de cet allègement :
« Si les consignes demeuraient aussi importantes et coûteuses alors il n’y a pas de demande pour le voyage et donc les compagnies aériennes peuvent de nouveau subir des licenciements permanents », Dominic Levasseur.
« Ça n’arrête pas ! »
Les voyagistes considèrent que la possibilité de faire un test antigénique à la place d’un test PCR et la supression de la quarantaine pour les enfants de 12 ans et moins, accompagnés d’un adulte entièrement vacciné permettent aux familles québécoises d’envisager à nouveau les voyages pour la relâche et l’été.
« En ce moment ce qui est le plus populaire ce sont les voyages dans le Sud, alors on prend toujours les assurances qui viennent avec les grossistes [ou tour opérateurs] en cas d’annulation, plus une assurance médicale. Donc les gens ne partent plus non assurés », assure Debbie Pichette, propriétaire de Voyages Inter-Pays et conseillère en voyage.
« Chez nous, les clients ont la possibilité de modifier leurs plans en tout temps sans frais jusqu’à sept jours avant le départ, en plus de la couverture médicale d’urgence COVID-19 et des frais de quarantaine à partir de 4 $ par jour », explique Marie-Josée Carrière, directrice marketing senior Québec chez Sunwing. Selon elle, ces mesures donnent plus de flexibilité et de tranquillité d’esprit aux clients de la compagnie, afin qu’ils puissent « profiter de leurs vacances ».
« C’est le temps de réserver parce qu’on va commencer à manquer de disponibilité. J’ai vu des augmentations de 300-400$ sur des forfaits [voyages] la même semaine. » – Debbie Pichette
Avec la pandémie, les voyageurs sont plus avisés lors de leur réservation. Ils s’informent davantage sur les assurances maladie et annulations, et partent plus souvent protégés, estime Caroline Murray, conseillère en voyage externe à Québec.
Madame Pichette et madame Murray s’accordent pour dire que les clients ne veulent plus se retrouver seuls devant leur écran et préfèrent échanger avec un voyagiste pour leurs réservations.