La pandémie de COVID19 est venue fragiliser davantage les étudiants déjà touchés par la précarité et cela sur plusieurs niveaux. Insécurité de l’emploi, du logement, accentuent des difficultés financières. Pour les aider à traverser cette période, les comptoirs d’aide alimentaire de la Table du Pain sur le campus de l’Université Laval ou encore Entraide Agapè continuent à se mobiliser.
La covid-19 a aggravé la précarité chez les étudiants. À l’Université Laval, de nombreux étudiants se retrouvent dans une situation qui ne leur permet pas de subvenir à leurs besoins les plus basiques. C’est pourquoi au sein même du campus, la Table du Pain, issu d’un projet étudiant de l’Association Étudiante Catholique, vient en aide à ceux qui le souhaitent.
Ingrid Boutros, présidente de la Conférence Marie-Guyart Table du Pain et elle-même étudiante constate une évolution des demandes depuis le début de la pandémie : « Beaucoup d’étudiants viennent chercher ici des aliments de bases comme du riz, des pâtes ou encore des conserves ». Elle ajoute que le profil des demandeurs évolue. En raison notamment de l’augmentation de l’incertitude a sujet de leurs revenus. Avant la pandémie, elle observait que les étudiants avaient la possibilité de trouver un emploi facilement, alors que dans le contexte actuel, trouver du travail rapidement devient de plus en plus difficile.

De son côté, la banque alimentaire Entraide Agapè fait le même constat. Elle voit arriver de nouveaux clients, « certains ayant perdu leur emploi au début de la crise sanitaire et se voient dans la nécessité de venir chercher de l’aide », confie Geneviève Beaubien, chargée de communication au sein du groupe. Comme de nombreux centres d’aide pour les plus démunis, Entraide Agapè, remarque une hausse des bénéficiaires, en cause, la pandémie et ses impacts à long terme sur une population déjà fragilisée.
Mme Beaubien estime qu’ils servent environ 7 500 personnes par an. Dans cette clientèle, des familles nombreuses, des gens seuls et isolés qui viennent chercher à la banque alimentaire des denrées, mais également un soutien et une écoute.
« Pendant le confinement et le début de la pandémie, nous avons pris la décision de rester ouverts, nous ne pouvions pas laisser dans le besoin des clients en crise », Mme Beaubien
Un autre facteur qui peut expliquer cette hausse de fréquentation est le fait que la pandémie a fortement impacté les finances d’une grande partie de la population. En effet, l’étude « Effets de la pandémie sur les finances personnelles : Un premier coup d’œil », sortie en 2020, montre qu’à la fin avril 2020, une femme sur quatre et un homme sur cinq avaient vécu une mise à pied. Ainsi selon une étude du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations, de la Chaire de recherche des enjeux économiques intergénérationnels ainsi que de l’Institut sur la retraite et l’épargne, près de 29,5 % des ménages ont subi un changement de statut vis-à-vis de leur emploi à cause de la Covid-19 en comparaison à 2019.
Un autre phénomène que constate Mme Boutros de la Table du Pain est l’allongement du temps nécessaire pour refaire des démarches d’immigration pour les étudiants : « Maintenant pour refaire son CAQ [Certificat d’acceptation du Québec], il faut compter entre quatre à six mois, avant ça prenait vingt jours ». Il faut donc pendant ce temps, que la personne ait les ressources nécessaires pour bien se nourrir, puisqu’il est impossible d’occuper un emploi sans ce précieux sésame.
« Un service indispensable »
D’après la présidente, la Table du Pain est « un service indispensable, car si un étudiant a faim il ne peut pas étudier correctement». Pour apporter cette aide, l’association se fournit de trois manières, soit par l’aide de Moisson Québec, qui leur vient en aide en leur fournissant des denrées en dates limites de consommation ou stockées en trop grandes quantités. Grâce à ça, le comptoir d’aide peut donner des boissons, des légumes ou du pain. Toutes les denrées alimentaires sont ensuite redistribuées par des étudiants : « C’est un travail avec des étudiants et pour des étudiants », précise-t-elle.

L’association peu aussi compter sur des épiceries qui se séparent d’aliments invendus. Enfin, le troisième volet provient des fonds propre à l’association. Ils achètent ainsi de boites de conserve et des aliments de première nécessité. Ils organisent également une collecte de fonds une fois par an. Grâce aux 5 000 $ récoltés lors de cette collecte, cela leur permet d’investir encore plus pour fournir une aide qui évolue en fonction du contexte.
Ainsi le nombre de bénéficiaires servis par l’association qui s’inscrivent au préalable en ligne, sont en augmentation par rapport à 2020. Le comptoir a commencé avec 100 billets d’entrée, maintenant ils sont rendus à 144 billets par semaine et ils ajoutent des places au fur et à mesure que les demandes augmentent, précise sa présidente. Sur une session scolaire, de septembre à décembre ce sont environ 1 700 étudiants qui bénéficieront de cette aide. Un nombre croissant est à prévoir pour la session d’hiver. Ingrid Boutros l’affirme :
« Ce chiffre augmente semaine après semaine », Ingrid Boutros.
Du côté d’Entraide Agapè, on profite des ramassages de nourriture, mais également d’aides comme le Centre-aide Canada ou encore sur des fonds privés. « Nous avons la chance de pouvoir aider un maximum de personnes, malgré tout, cela augmente, il y a de plus en plus de personnes en situation de précarité, nous continuerons à accueillir, à être solidaires et à partager », conclut Geneviève Beaubien.
De son côté l’Université Laval essaye de mettre des choses en place pour pallier cette augmentation des demandeurs et ainsi offrir un cadre sain. La CADEUL, la Confédération des Associations d’étudiants et d’étudiantes de l’Université Laval, ont versé des fonds au Bureau des bourses et de l’aide financières de l’université afin de bonifier les bourses de précarité financières pour l’année 2021. Malgré tout, cette bourse est octroyée en fonction d’un minimum perçu, l’étudiant doit justifier sa situation.
Celles-ci ne sont pourtant pas accessible à tous : une majorité des étudiants qui ne sont pas, d’après les grilles tarifaires, considérés comme précaires n’y ont pas accès. Pour essayer d’avoir un portrait complet de la situation, la CADEUL a officialisé sa participation à l’enquête panquébécoise sur le financement et l’endettement étudiant, menée par par l’UEQ (l’Union étudiante du Québec).
Pour Cyndelle Gagnon, présidente de l’association de premier cycle, la CADEUL, pense que cette étude leur « permettra d’avoir des données probantes afin de revendiquer au mieux, des améliorations auprès de l’institution, donc de l’Université Laval, mais aussi du gouvernement ».