Annoncée depuis des années, la résurrection du disque vinyle a atteint un sommet inespéré avec, en 2014, des ventes en hausse de 71% au Canada par rapport à l’année précédente. À Québec, disquaires et collectionneurs confirment un engouement évident, mais craignent une flambée des prix.
Pour Roxann Arcand, copropriétaire de la boutique spécialisée Le Knock-Out, il y a les amateurs de la première heure, et puis il y a les jeunes qui découvrent tout juste ce support. Au moment où la consommation se dématérialise, ils veulent toucher la musique et préfèrent la chaleur du vinyle. Mme Arcand dit constater une évolution de sa clientèle dans cette direction et estime que le phénomène de mode force les maisons de disque à s’adapter.
Le son de cloche est similaire à la Foire du disque de Québec, où le nombre de visiteurs a dépassé toutes les attentes des organisateurs. « La première édition [à l’automne 2013] a été une très grosse surprise pour nous. On avait choisi une petite salle, on espérait avoir entre 200 et 300 personnes. On en a eu le triple! (…) Donc, oui, c’est vraiment surprenant et en fait, on se rend compte qu’on est pas seuls à avoir cette petite folie du vinyle », raconte Jean-Baptiste Duvignaud, co-fondateur de l’événement et grand collectionneur de vinyles.
Dans un marché bouleversé par de nouveaux modes de consommation, le vinyle tire avantageusement son épingle du jeu. Il s’en est vendu 400 000 albums au pays en 2014 d’après les données de Nielsen Soundscan, le leader nord-américain dans l’analyse de la consommation musicale.
Des chiffres modestes quand on les compare aux millions d’albums qui se vendent sur internet, mais qui traduisent tout de même une tendance lourde selon la firme. Nielsen n’a jamais mesuré des ventes de vinyles si élevées depuis qu’elle a commencé à compiler ces données en 1991.
Hausse des prix : les majors flairent la bonne affaire.
L’effervescence pour le disque vinyle a permis d’augmenter l’offre pour les amateurs de musique puisque plus d’artistes s’intéressent à ce support. Mais avec la demande qui augmente, des effets pervers apparaissent. La qualité sonore n’est pas toujours au rendez-vous et le prix des albums monte en flèche.
Au Knock-Out, Roxann Arcand dit que les coûts provenant de ses fournisseurs ont augmenté substantiellement : « Par rapport au prix, c’est sûr que moi je le vois présentement. L’année passée, mon cost a vraiment augmenté, donc c’est sûr qu’il y en a qui en profitent au bout du compte. »
Jean-Baptiste Duvignaud estime pour sa part de 15 à 20% l’augmentation des prix depuis le début de l’année. Il ajoute que les compagnies de disques ne mettent pas toujours le soin nécessaire pour produire des albums vinyles satisfaisants d’un point de vue acoustique. Mais sur ce dernier point, il relativise un peu les choses : « c’est dommage pour les gens qui ont un gros système audiophile (…), mais à la fois on a eu tellement de bonnes musiques dans les années 50, 60, 70, 80, 90, qui sont en vinyle ».
Le vinyle offre-t-il vraiment une meilleure qualité sonore ?
Michaël Martel est copropriétaire de la boutique Audiolight à Québec et passionné de musique depuis son enfance. Il n’a jamais cessé de vendre de l’équipement pour disque vinyle dans son magasin, car il est de l’avis que le «vrai» son finit toujours par gagner le vote des audiophiles. «J’aime dire que c’est seulement une question de temps avant que mes clients réalisent que ça sonne moins bien et fassent la transition vers le vinyle.»
Le vinyle offre un son analogique ce qui permet de conserver la totalité de l’enregistrement original. Le son numérisé, que l’on retrouve par exemple sur CD ou sur les fichiers mp3, est compressé pour ne conserver qu’une partie du son original afin que la musique soit plus facile à reproduire, mais demeure proche du contenu original .
M. Martel explique la différence entre un son digital compressé et un son analogique à l’aide d’une métaphore : «Un son analogique est un peu comme un verre rempli d’eau et le son digital un peu comme un verre rempli de billes. Le verre d’eau contient bien plus de molécules par volume, mais faire le transfert d’un verre à l’autre est difficile alors qu’on peut transvider des billes 50 fois sans en perdre une seule. Bref, le son analogique est précis et fragile alors que le digital est approximatif et pratique.»
Pour ceux qui utilisent la musique comme accessoire au quotidien, le digital est approprié, car le transfert d’un média à l’autre est facile ; les autres qui voient la musique comme une activité en soi finiront toujours par voir l’avantage sonore d’un équipement analogique.