En plus de subir les pressions de l’accord de libre-échange du Partenariat transpacifique (PTP) présentement négocié par le gouvernement fédéral, les Producteurs de lait du Québec sont menacés par l’omniprésence du lait diafiltré américain sur le marché québécois. Cette substance laitière liquide est exportée au Canada en tant que « protéine de lait » puis vendue en tant que lait, échappant ainsi aux tarifs douaniers destinés à contrôler l’offre laitière sur le marché canadien.

Yannick Bouchard est propriétaire de la Ferme laitière DAYBOU S.E.N.C au Lac St-Jean. Depuis l’invasion du marché par le lait diafiltré américain, il doit « traire 2 000 litres de lait de plus par année pour tout de même voir [son] chiffre d’affaires diminuer de 2 000$ par année. » Le lait diafiltré est exporté au Canada comme ingrédient laitier sous la nomenclature de « protéine laitière ». Celle-ci est exemptée du tarif douanier canadien élevé sur les produits laitiers étrangers, échappant ainsi aux mesures protectionnistes du marché laitier canadien.

L’entrepreneur explique que « les producteurs québécois qui fabriquent des produits à base de matière laitière tels que les fromagers sont obligés par la loi canadienne d’utiliser un pourcentage minimum de protéines laitières fabriquées à partir de lait véritable ». Cette mesure vise à garder un certain contrôle sur la qualité des produits et à assurer aux producteurs québécois une place sur le marché des produits laitiers transformés.

Le lait diafiltré « franchit les douanes canadiennes comme un ingrédient que tu peux mettre en petite dose dans tes produits, mais les producteurs s’en servent pour remplir les quotas de lait exigés dans le produit ». Le lait diafiltré est considéré par l’Agence canadienne d’inspection des aliments comme source viable de lait. Entre la frontière où il a été dédouané, puis la liste des ingrédients des produits fabriqués à base de substance laitière, le lait diafiltré « a changé de nom, puis de fonction », explique Yannick Bouchard. Celui-ci estime subir des pertes « d’au moins 30 000$ par année en raison de cette entorse à la loi ».

La walmartisation de la production laitière

Les Producteurs de lait québécois ne peuvent rivaliser devant une telle situation. L’industrie alimentaire américaine est « trop puissante », explique Marie-Pierre Dufour, productrice laitière au sein des Entreprises Dufour & Frères. « Les fermes américaines sont beaucoup plus grandes que celles d’ici. Au Québec, on a en moyenne 60 vaches par ferme laitière, alors que la moyenne américaine est de 115 vaches. Aussi, le climat est beaucoup moins rigoureux, donc les coûts de production sont moins élevés en plus d’un temps de récolte plus long. »

Les règlementations américaines sont également « moins exigeantes sur les normes environnementales et les conditions de détention des animaux ». De surcroît, « ils engagent des travailleurs mal payés dont les droits ne sont pas bien assurés ». Elle estime que « le public peut faire une différence en achetant des produits laitiers homologués par le logo de la petite vache bleue, qui indique que le produit est fabriqué à partir de lait 100 % canadien ».