Les statistiques de l’Association des microbrasseries du Québec indiquent qu’un changement de paradigme s’opère actuellement en faveur des produits de micro brasserie.

En termes de consommation sur place dans les bars et établissements de restauration, les microbrasseries captaient 5,7% des ventes totales en 2004 alors qu’en 2014, elles récoltent plus de 15,6% des recettes. La transition vers les produits locaux s’effectue toutefois plus lentement pour la consommation à domicile : les ventes de bières de microbrasserie ont progressé d’un peu plus de 2% en 10 ans. Les chiffres de l’association commerciale Bière Canada révèlent que le Québécois moyen consommait à peu près 73 litres de bière en 2013, 12% de plus que la moyenne Canadienne.

Pour Mathieu Brochu, conseiller au bar Le Projet, il y a une différence fondamentale entre les bières des grands brasseurs et ceux produites par des microbrasseries qui explique l’écart qui se creuse dans les chiffres. Selon lui, une dimension artistique existe dans la production de la bière et le processus d’expérimentation et de prise de risque donne une longueur d’avance aux petits brasseurs, à tout de moins sur le plan gustatif.

Il affirme que «Brasser de la bière c’est un peu comme faire de la cuisine, il faut essayer des recettes. Il faut que tu saches quoi bien agencer, il faut avoir des contacts, pour trouver un houblon plus rare par exemple. Le résultat est un produit unique et difficile à reproduire à grande échelle.»

Les gens auraient pris graduellement conscience du phénomène et s’intéressent de plus en plus aux établissements qui vendent ou produisent des bières artisanales. Ils développent leur goût et deviennent plus curieux. Cela explique l’augmentation constante de la popularité des bières produites à petite échelle localement, mais aussi le déclin des ventes des grands brasseurs.

Les défis de la relève

Catherine Foster est co-propriétaire du bar La Korrigane et membre du conseil d’administration de l’AMBQ. La bière vendue dans son établissement est produite sur place et le processus de brassage est à la fois basé sur de vieilles recettes familiales et sur une expérimentation constante. Mme Foster analyse les goûts de la clientèle avec le temps et élabore l’offre en conséquence. La méthode a fait ses preuves car l’achalandage ne cesse d’augmenter depuis l’ouverture il y a un peu plus de cinq ans. Elle dit cependant que le Québec est dû pour une évolution des lois concernant la production artisanale de bière

«On doit travailler avec des lois qui datent de la prohibition. Il ne faut pas oublier que les microbrasseries c’est comme n’importe quelle entreprise agroalimentaire, sauf qu’on doit faire beaucoup plus d’efforts pour être dans les normes. Fonder une entreprise de microbrasserie fonctionnelle de nos jours c’est extrêmement difficile.»
Bien que son entreprise soit construite sur de solides bases, elle croit aussi qu’il faut être prudent avec la prolifération rapide des établissements avec une offre similaire qui pourraient diviser la clientèle et occasionner des fermetures.

Les microbrasseurs ont raison de célébrer l’essor de la dernière décennie, mais ils sont de plus en plus nombreux pour un public intéressé quoique limité. Bien qu’ils aient prouvé leur pertinence sur le marché, ceux qui ont survécu aux premières années devront consolider leurs acquis pour éviter de perdre leur avance durement gagnée.