QUÉBEC – Imaginez un atelier de fabrication ouvert au public, où sont disponibles des machines-outils pilotées par ordinateur, des plans numériques et du matériel électronique. Imaginez un lieu ou chacun peut produire des objets à utilité personnelle ou collective, de la pièce de vélo au réacteur d’avion. C’est ce à quoi font rêver les Fab Labs , pour Laboratoires de fabrication.
Le concept, né en 1998 au Massachussetts Institute of Technology (MIT), ne cesse de faire des petits. Le monde compte aujourd’hui plus de 200 Fab Labs et ce nombre croît rapidement chaque année. Après Montréal, Sherbrooke et d’autres villes du Québec, voici que la Capitale Nationale aura son premier Fab Lab. Ces lieux originaux de création et de fabrication sont au cœur d’une tendance qui vise à faire passer l’objet du numérique au réel, au lieu du contraire. Permettre aux utilisateurs de solutionner des problèmes concrets dans un esprit de collaboration et, du même souffle, de retrouver un certain pouvoir sur leur vie matérielle, voilà le cœur du concept.
«Je pense que les gens sont un peu fatigués du virtuel, de passer du temps chez eux devant un écran. Je pense qu’il y a un désir aussi de retrouver un contact humain et de créer des objets ensemble», lance Benoit Debaque, chercheur en physique et cofondateur du projet de Fab Lab de Sainte-Foy qui doit voir le jour à l’automne 2014.
Selon lui, le numérique a eu l’effet positif de connecter les gens ensemble et de leur faire réaliser qu’il existe, chez l’humain, «une culture de la mise en commun». Il soutient que les gens ont désormais envie de recommencer à créer pour trouver des solutions. «On sent bien aussi qu’il y a une inertie du côté des administrations, de la politique (…) qui ne rejoint pas les citoyens», soutient-il. Il ajoute que «les gens s’organisent spontanément pour changer les choses». Pour M. Debaque, c’est, entre autres, ce qui explique l’engouement international pour les Fab Labs.
Écoutez l’entrevue :
Le potentiel créatif de ces laboratoires collectifs est riche et varié, comme le rapportait la dernière édition de Québec Sciences. On y cite l’exemple d’un Fab Lab norvégien, établi au nord du cercle polaire, qui a permis aux éleveurs de rennes de concevoir des puces GPS pour localiser leurs bêtes. Ou encore celui de ce Fab Lab français, dans lequel un jeune homme, amputé de la main, a pu se fabriquer une prothèse à une fraction du prix du marché.
La plupart des Fab Labs, réunis dans un réseau international, adhérent à la charte du MIT qui établit les quelques principes de bases à respecter. Fidèle à l’esprit du open hardware (ou matériel libre), les designs et les procédés, tout en pouvant être protégés et vendus, doivent demeurer accessibles à tous à des fins d’utilisation et d’apprentissage. La force de ce réseau est aussi mise à profit pour permettre à des Fab Labs de collaborer dans la réalisation de projets de plus grande envergure. C’est d’ailleurs un rêve que caresse Benoit Debaque, de voir éventuellement un projet commun se développer au sein du réseau des Fab Labs du Québec.
L’arrivée d’un premier Fab Lab à Québec suscite l’intérêt et témoigne d’un foisonnement d’initiatives en matière de laboratoires collaboratifs. Le Musée de la Civilisation a un projet en développement. «On s’intéresse à la question, mais la forme n’est pas encore déterminée. On est à l’étape de rencontrer les gens (…)», indique Ana Laura Baz, chargée de projets numériques au Musée. Le Cercle, planche aussi sur un projet. « (…) Voir se concentrer l’énergie de la créativité, de l’innovation et de la collaboration, c’est le cœur du projet de laboratoire vivant du Cercle», explique Bruno Bernier, propriétaire du restaurant de la rue Saint-Joseph. À ces laboratoires en gestation, s’ajoutent toute une série d’espaces collaboratifs déjà en fonction comme le Hackerspace de la Chambre Blanche ou encore Québec numérique.
Pour Annie Brassard, vice-présidente Innovation et transfert au Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations (CEFRIO), il est stimulant de voir ce type d’initiatives se développer dans la région. «Les Fab Labs font partie des nouvelles sources potentielles d’innovation qui pourraient permettre de fournir de nouvelles solutions à certains défis actuels», explique-t-elle. Les Fab Labs et leurs cousins semblent donc avoir trouvé à Québec un terreau fertile et n’ont vraisemblablement pas fini de faire parler d’eux.