Article mis à jour le 25 novembre 2013

QUÉBEC — Réunis le temps d’une soirée, Lucien et Gérard Bouchard jettent un regard nostalgique sur le Québec d’antan tout en contemplant avec inquiétude celui du futur. Sur un ton tantôt moqueur, tantôt sérieux, les deux frères se sont confiés durant plus de deux heures mercredi soir dernier à un public venu les entendre à la salle Raoul-Jobin du Palais Montcalm pour souligner les 75 ans de la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval.

Les Violons du Roy, sous la direction du chef en résidence M. Mathieu Lussier, ont entrecoupé de pièces musicales les échanges du politique et du savant. Des morceaux de Tchaïkovsky, de Glazounov et de Vivaldi ont entre autres été entendus, tout comme le nouvel orgue Casavant du Palais Montcalm inauguré plus tôt cet automne.

Dès le début du premier des quatre segments de leur discussion, les frères Bouchard ont donné le ton à la soirée : «Nous sommes un peu stressés, a confié Gérard à l’animateur de la soirée. Les frères Ford ont mis la barre assez haute cette semaine.» Cette drôlerie, ainsi que plusieurs autres au cours de la soirée, leur ont maintes fois valu des éclats de rire accompagnés d’applaudissements nourris.

En prenant comme point de départ leur enfance à Jonquière, au Lac-Saint-Jean, où ils ont grandi, les deux frères Bouchard ont ensuite remonté l’histoire du Québec dans les cinquante dernières années, en passant par les étapes obligées que sont la Grande noirceur, la Révolution tranquille et la montée du nationalisme québécois. Le public a entre autres pu les entendre rendre un vibrant hommage à leurs parents, des individus pour qui «le rêve était que leurs enfants soient mieux équipés qu’eux pour être plus heureux».

Bien que leur entretien ait été, la grande majorité du temps, mené sur un ton calme et posé, quelques critiques du Québec moderne ont tout de même percées ici et là, à commencer par celles émises par Gérard Bouchard envers le projet de charte de la laïcité du présent gouvernement. «Au Québec, nous avons réussi, pendant quelques décennies, à maintenir la continuité de notre culture francophone ainsi qu’à intégrer et respecter la diversité. Ce modèle, celui de l’interculturalisme, nous l’avons préservé jusqu’au début de la décennie présente. Depuis, nous sommes entrés dans une autre ère que je ne saurais qualifier», a-t-il affirmé, inquiet.

«Quoi que l’on pense du projet de charte, nous ne pouvons ignorer que la facture à payer sera lourde au bout du compte. Cela va prendre des décennies à réparer», a poursuivi l’universitaire.

L’ex-premier ministre s’en est quant à lui pris à l’immobilisme ambiant de la société québécoise. «On n’a pas d’inspiration! Pas de projet porteur! […] Pourtant, il ne suffirait qu’un déclic pour que le Québec d’aujourd’hui reparte», a-t-il martelé.

La causerie des frères Bouchard a été précédée des mots d’ouverture du maire de Québec Régis Labeaume et de la Vice-présidente exécutive aux affaires corporatives à La Capitale groupe financier Marie-Josée Guérette, tous deux diplômés de la Faculté des sciences sociales et présidents d’honneur pour l’occasion.

Notons que la soirée a permis d’amasser plus de 78 000 $ au profit des étudiants des cycles supérieurs de la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval. Présents pour l’occasion, ces derniers se sont d’ailleurs mérité les félicitations de Gérard Bouchard. «Je salue les étudiants. C’est important, je suis un professeur après tout. D’ailleurs, préparez-vous, car les examens arrivent bientôt.»