En cette semaine dédiée à la santé mentale, on néglige des actrices et acteurs principaux du domaine de la santé, chez qui la détresse psychologique s’invite trop fréquemment : le corps infirmier. Le quotidien d’Alicia (prénom fictif), infirmière au CIUSSS de la Capitale-Nationale depuis deux ans, se conjugue avec stress, anxiété et médication pour elle et la majorité de ses collègues. Selon elle, le système de santé est malade et les conditions de travail vont à l’encontre même de sa mission.

Un système de santé malade, oui, on le sait. L’épuisement chronique du corps infirmier n’est plus à prouver. Cependant, on s’attarde peu (ou pas) à leur fatigue mentale et aux troubles psychologiques qu’elle peut occasionner. Alicia confirme cet aspect: elle le vit au quotidien, même lorsqu’elle est chez elle, entre deux quarts. Elle observe les impacts sur ses collègues, et pour cause : la consommation d’antidépresseurs et d’anxiolytiques est monnaie courante, voire « normale ».

Les causes sont multiples. Imputer la responsabilité à la pénurie de main-d’œuvre? Solution facile. Alicia croit que la détresse psychologique des infirmières est imputable aux facteurs humains du travail: relations entre employés, cadres, patients, mauvaise gestion des ressources, complexification des tâches en assumant plusieurs rôles, etc. Et surtout, l’accumulation de ces facteurs.

Un enjeu majeur, mais invisible : la délocalisation de bureaux de gestion pour plusieurs établissements. Les gestionnaires, de leur tour d’ivoire, ont rompu le contact avec la réalité du terrain. Il en résulte une gestion plus « industrielle ». Certains recourent même au chantage pour éviter les congés maladie ou assurer des heures supplémentaires. Là où le bât blesse, c’est lorsque les pairs jugent la performance. Au lieu de se soutenir entre membres soignants, on instaure un climat de compétition, à savoir qui fait le moins d’heures supplémentaires.

Et encore, on ne parle pas de la multiplication des tâches, de la complexification de celles-ci, du port de multiples chapeaux, des rôles ingrats ou même de la rétribution reçue, facteurs influençant aussi la pression psychologique.

Et les conditions d’emploi?

Les journaux font leurs choux gras des conditions de travail du corps infirmier depuis quelques années et pourtant, aucune amélioration digne de mention ne pointe à l’horizon. L’équilibre précaire – inexistant ? – pour les infirmières en début de carrière contribue à la fatigue mentale. On prétend pourtant qu’une pénurie de main-d’œuvre afflige le domaine hospitalier.

« C’est une question de gestion, estime Alicia. Des milliers d’infirmières sans poste courent après leurs quarts. Seulement quatre jours sur quatorze leur sont garantis. Le reste est comblé en quarts sur appel. C’est incompréhensible. » Si le besoin est si criant, pourquoi ne pas ouvrir plus de postes pour offrir stabilité et équilibre de vie à nos infirmières ?

Si l’on en croit les dires d’Alicia, il est grand temps de réformer la réforme Barrette. Pour la santé physique et mentale du personnel soignant.