Des visions qui s’opposent et s’affrontent en ce qui a trait au projet de charte des valeurs québécoises se sont donné rendez-vous à l’Université Laval mercredi pour la conférence La Charte des valeurs québécoises en procès, qui a accueilli près de 250 personnes.

Autant les conférenciers, Louis-Philippe Lampron, Djemila Benhabib, Jocelyn Maclure et Michèle Sirois, que le public avaient leur mot à dire sur la charte. «La charte cherche à polariser les débats plutôt qu’à trouver un consensus», a d’ailleurs déploré Jocelyn Maclure, professeur de philosophie à l’Université Laval. Les gens présents dans la salle se faisaient entendre par des applaudissements ou des huées lors de certains propos des conférenciers.

Michèle Sirois, membre du rassemblement pour la laïcité, a été la première à se faire applaudir lorsqu’elle a abordé le port du voile par des enseignantes dans les écoles québécoises. «Quand il y a 12, 13 professeures voilées, quel message envoie-t-on aux enfants? Ce n’est pas un message qui est neutre du tout. Quand est-ce qu’on va défendre la liberté de conscience des enfants?» Mme Sirois soutient aussi la plus grande place faite à l’égalité entre hommes et femmes dans le projet de charte.

À l’instar de Mme Sirois, Djemila Benhabib, auteure et journaliste, approuve totalement le projet de charte. «Aucune loi ne formule la laïcité [au Québec]. On ne peut pas appliquer une loi qui n’existe pas», mentionne-t-elle. Mme Benhabib croit également que la laïcité de l’État permet une «liberté de conscience, […] une façon de voir le monde au-delà des dogmes religieux».

Un contrepoids

De son côté, Louis-Philippe Lampron, professeur en droits et libertés de la personne à l’Université Laval, ne croit pas que la nouvelle charte apporte beaucoup de nouveautés par rapport aux balises déjà en place. Il prend l’exemple de l’article 15 de la charte qui concerne la possibilité d’octroyer un accommodement religieux. «On se rend compte que l’article 15 n’apporte strictement rien. Aucune nouvelle balise. Toutes les balises qui sont apportées par l’article 15 sont déjà prévues par la jurisprudence», mentionne-t-il. Le seul apport significatif est l’interdiction de signes ostentatoires religieux, précise M. Lampron.

Jocelyn Maclure ne voit pas non plus beaucoup de nouveautés dans la charte, et croit que l’interdiction du port de signes religieux ostentatoires pour les représentants de l’État est une «position radicale». Il préfèrerait que les comportements religieux des membres de l’État soient réglementés plutôt que les signes religieux. «Donc, un agent de l’État ne doit pas faire de prosélytisme, il ne doit pas promouvoir sa religion, essayer de convaincre. Ses croyances religieuses ne doivent pas interférer avec son jugement professionnel», propose-t-il. Selon lui, cette approche permettrait de respecter la liberté de conscience et de religion des citoyens et de respecter la laïcité de l’État.

La conférence s’est terminée après une période d’échanges et de questions d’environ deux heures entre le public et les conférenciers. Ce fut l’une des conférences les plus longues et les plus bondées qu’a présentées la Chaire publique de Aéliés cette année. En effet, la salle du pavillon Alphonse-Desjardins où s’est tenue la conférence, qui contient près de 250 sièges, était comble. On offrait même une retransmission au café Fou Aeliés pour ceux qui se sont vus refuser l’accès.

L’intégrale de la conférence: