QUÉBEC — Selon la Financière agricole du Québec, en 2012 seulement, le prix moyen des terres agricoles a augmenté de 19 % au Québec. Ce pourcentage passe à 34 % lorsque ne sont considérées que les terres en culture. Or, cette prise de valeur attire aussi les investisseurs non-agricoles, et c’est un phénomène mondial. «Ils sont très présents en Afrique, en Europe de l’Est, en Asie et en Amérique du Sud, beaucoup plus qu’ici», rappelle Vincent Cloutier. M. Cloutier est économiste principal à la Coop Fédérée; il était conférencier au 39e Salon de l’agriculture, de l’alimentation et de la consommation, qui s’est tenu il y a quelques jours à Expo-Cité par les étudiants de la Faculté d’Agriculture de l’Université Laval

«Malgré que je considère que l’expression «accaparement des terres» s’applique mal à la réalité québécoise, il ne faut pas nier qu’il y a une incursion graduelle des investisseurs non agricoles et ce phénomène fait l’objet d’une préoccupation au sein de la classe agricole, c’est clair», ajoute le spécialiste. «L’objectif des investisseurs qui investissent nos portefeuilles de retraite, c’est de générer des rendements stables et à long terme», souligne-t-il. «Le pari qu’ils font, et je ne peux pas dire que c’est un mauvais pari, c’est que l’investissement dans les terres agricoles est un pari gagnant», d’ajouter encore M. Cloutier.

Il se fait toutefois rassurant. «Plus de 80% de la propriété agricole est le fait d’agriculteurs au Québec», précise-t-il. Ce qui est au-dessus de la moyenne canadienne qui est de 60 % alors qu’elle est de 57 % aux États-Unis et de 25 % en France, comme le rapportait La Semaine Verte qui consacrait son émission du 18 janvier dernier à ce sujet.

«La hausse du prix du grain, les faibles taux d’intérêt et la présence du système de gestion de l’offre, assurent de bons revenus aux agriculteurs qui investissent dans la terre», explique Vincent Cloutier, économiste principal à la Coop Fédérée, lors de son allocution au 39e Salon de l’agriculture, de l’alimentation et de la consommation. Un rapport publié par le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations en 2013, confirme cette tendance : «la hausse du prix des terres est stimulée par la confiance des agriculteurs qui veulent profiter d’une amélioration de leurs bénéfices nets pour prendre de l’expansion».

Pousser les prix à la hausse

Or, la Loi sur l’acquisition des terres agricoles par des non résidents, resserrée récemment, ne contrôlent pas les transactions effectuées par les investisseurs québécois. Et il semble que le marché soit très actif comme le rapportait La Semaine Verte. Les groupes d’investisseurs ont des capitaux importants avec lesquels ne peuvent concourir les agriculteurs et leur demande pourrait continuer à tirer les prix vers le haut, ce qui pourrait compliquer l’accès, déjà difficile, à la relève.

C’est ce qui pousse l’Union des producteurs agricoles à demander la création d’une société gouvernementale qui aurait comme mission de suivre les transactions foncières effectuées avec des non agriculteurs et d’acquérir, lorsque jugé opportun, des terres afin de les transférer à des producteurs agricoles. Selon certains agriculteurs, une telle société permettrait de consolider les entreprises agricoles existantes et permettrait de faciliter l’accès à la relève. Cette proposition ne semble toutefois pas faire l’unanimité dans le monde agricole, et des débats sont à prévoir. Par ailleurs, au cabinet du ministre, il semble qu’une réflexion soit amorcée. «On travaille sur un outil financier (..) pour éviter que de grands groupes possèdent des terres sans les exploiter», indiquait récemment l’attaché de presse du ministre, à Jean-François Marsan du Groupe TVA.