À l’automne 2013, Guy Bouchard, directeur du Collège de Champigny, école secondaire privée dans la région de Québec,  avait un parc informatique désuet. Les équipements ne répondaient plus aux standards de qualité et devaient être remplacés. C’est à ce moment que monsieur Bouchard a décidé de s’inspirer de ce qui se faisait dans d’autres écoles. « Nous avons choisi le iPad en raison de sa convivialité, en raison de ses nombreuses applications pédagogiques et aussi en raison de la fiabilité de l’appareil. » explique le directeur.

Depuis septembre 2014, les élèves de secondaire un à trois utilisent la tablette dans plusieurs de leurs cours. Malgré plusieurs difficultés, le directeur affirme qu’il ne reviendrait pas en arrière.

Pour les professeurs du Collège, la tablette électronique a changé leur façon d’enseigner. Pour Martin Pagé, professeur de mathématique en secondaire un, la tablette fait en sorte qu’il donne beaucoup moins de cours magistraux : « Il y a des capsules vidéo à l’intérieur des volumes numériques. Les élèves peuvent faire une approche à la maison alors ça laisse plus de temps pour faire des exercices en classe et de l’aide aux élèves. »

Un autre point positif avec la tablette, c’est lorsqu’un étudiant manque un cours. Il peut tout de suite rattraper son retard avec les vidéos explicatives mises en place. Il n’a pas à attendre une séance de rattrapage plusieurs jours plus tard et poursuivre son apprentissage les jours suivants au même rythme que ses compères.

Travailler plus

Bien que monsieur Pagé aime travailler avec ce nouvel outil, il a peur que les étudiants ne puissent plus démontrer la démarche de leurs calculs. Monsieur Thierry Karsenti, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les technologies en éducation à l’Université de Montréal,  répond à cela que des applications permettent de forcer l’élève à présenter l’ensemble de sa démarche :

En ce qui a trait aux performances scolaires, les professeurs expliquent que pour les élèves qui travaillent bien, le ipad leur permet de travailler plus et d’augmenter leurs notes scolaires, car les applications leur permettent un plus grand éventail d’exercices. En revanche, les élèves plus paresseux qui travaillent de nature moindre (enlever) ne seront pas amenés à travailler plus avec le Ipad et c’est là que vient le défi des pertes de temps en classe.

À ce propos, Thierry Karsenti est formel : « Peu importe l’âge (primaire, secondaire ou même à l’université) quand on donne une tablette aux étudiants, ils vont être tous très tentés d’aller socialiser avec les autres ou d’aller jouer à des jeux. Il faut que les professeurs les amènent à vivre pleinement le potentiel de la tablette. »

Former les enseignants

Pour ce faire, monsieur Karsenti mise sur la formation des enseignants : beaucoup d’écoles font l’erreur de donner la tablette en même temps aux professeurs et aux élèves. C’est une erreur parce que les professeurs ont besoin de temps et de formation. La formation ne doit pas seulement être technique. Elle doit être conçue par rapport aux applications. Certaines applications vont faciliter l’enseignement ou la gestion d’enseignement. Il y des applications qui sont bonnes pour toutes les disciplines. « Il faut vraiment que les enseignants soient au courant de ces 2 volets et souvent ils ne le sont pas. »

De plus, M. Karsenti voit en la tablette numérique un potentiel immense surtout avec les livres numériques qui sont de plus en plus sur le marché. À elle seule, la tablette peut devenir une bibliothèque qui a la possibilité (de) contenir jusqu’à 500 000 livres. Selon lui, la tablette permet plusieurs choses, dont un accès à l’information constant. Elle permet(devrait permettre) également à l’élève d’organiser ce qu’il fait dans chacun de ses cours.

Au ministère de l’Éducation, l’acquisition de tablettes électroniques est un choix qui appartient aux commissions scolaires, selon leurs priorités technopédagogiques. Le Ministère a adopté une mesure budgétaire permettant d’acquérir des outils technologiques, dont les tablettes numériques, pour soutenir un enseignement interactif, mais les tablettes ne sont qu’un des moyens mis à la disposition des commissions scolaires pour atteindre cet objectif. D’ailleurs, le Ministère n’a formulé aucune directive aux commissions scolaires à l’effet qu’ils doivent acheter des tablettes numériques.

Le titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les technologies en éducation trouve déplorable cette inaction des gouvernements : « C’est de notre devoir de s’assurer que nos élèves en 2015 apprennent à l’aide de technologies en lien avec les besoins des écoles et des enseignants.  L’école publique et l’état doivent avoir un rôle majeur à jouer pour contrer le fait que c’est seulement les écoles dont les parents sont plus favorisés qui implantent les tablettes. La tendance d’apprendre avec les nouvelles technologies est irréversible, car elles font partie de la société. On doit amener tous les élèves à les utiliser de façon efficace à des fins d’apprentissage. Ce n’est pas quelque chose qui est facile et ça doit être appris à l’école, » soutient-il.